Afrique du Sud

 

  • 48,8 millions d'habitants en 2008
  • 1 219 912 km2
  • Capitale : Pretoria (Tshwane)
  • Langue officielle : anglais
  • Monnaie : rand (1 euro = 9,75 rands)
  • Religions : protestantisme : 60% ; religions traditionnelles : 25% ; catholicisme : 10% ; hindouisme : 2% ; islam : 1,5% ; judaïsme : environ 90.000 pers.
  • PIB : 230 Mds USD en 2008 ; PIB par habitant : 6 160 USD
  • IDH : 121eme sur 177 pays en 2008

Jacob Zuma : un Président à la hauteur des enjeux ?

Le 6 mai dernier, l’Afrique du Sud a élu son nouveau Président : Jacob Zuma, leader de l’ANC. Pour mémoire, l’ANC (Congrès National Africain), créé en 1912, fut l’instrument de la lutte anti-apartheid et permit à Nelson Mandela de devenir président de la nation arc-en-ciel en 1994, après la fin de l’apartheid en juin 1991. Depuis, l’Afrique du Sud reste confrontée à d’immenses défis, que l’ANC, toujours largement majoritaire (60 à 70% des voix à chaque élection, malgré les récentes dissensions en son sein qui ont donné naissance au COPE – Congrès du peuple), peine à relever.

 

France ô a mis en ligne un débat - reportage intéressant, d'une vingtaine de minutes, sur Zuma et les enjeux de l'élection.

 

Une société marquée par la violence et les inégalités

 

Le pays est ainsi marqué par un taux de criminalité extrêmement fort (pour ne citer qu’un chiffre, 22 000 meurtres par an – contre 2106 en France en 2005 – source : Criminalité et délinquance constatées en France par les services de police et les unités de gendarmerie en 2005, La Documentation française), quand bien même une baisse serait actuellement observée (- 24% depuis 2003).

 

Plusieurs facteurs à cela : manque d’effectifs persistant dans les services de police (même si le budget de la police a été augmenté et les recrutements favorisés), extrême pauvreté d’une part importante de la population, mais également déstructuration des familles pendant l’apartheid, à l’origine d’une véritable perte des valeurs et de l’absence d’éducation pour nombre d’enfants issus des familles noires. Bien que les crimes commis contre les Blancs soient davantage mis en avant, cette criminalité touche l’ensemble de la population ; elle est en revanche d’abord le fait de la population noire. Certains pans de la criminalité sud-africaine sont très fortement liés à aux conséquences de l’ancien régime d’apartheid, en particulier les crimes commis à l’encontre des fermiers Boers, qui rejoignent la douloureuse question de la redistribution des terres (article à venir).

 

En effet, la fin de l’apartheid est loin d’avoir résolu tous les problèmes. Outre le problème terrien, les enjeux de la discrimination positive et du « black empowerment » se font sentir avec acuité. Le pays est en outre soumis à une forte pression migratoire, notamment en provenance des pays voisins ; si (comme en Europe…) la présence de ces étrangers est nécessaire à l’expansion économique du pays, il n’en demeure pas moins qu’elle est de plus en plus mal vécue, ayant même donné lieu à des violences xénophobes d’une rare violence en 2008. Aussi, il n’est pas surprenant que globalement, les Sud-Africains aient une vision « plutôt pessimiste » de leur pays (48 % des Blancs, 15 % des Noirs, 42 % des Asiatiques et 39 % des Métis), et qu’ils soient nombreux à souhaiter émigrer (15 % des Blancs, 9 % des Noirs, 12 % des personnes d'origine indienne, asiatique ou métis) – source : TNS Research, février 2009.

 

Dans ces conditions, le danger d’un repli sur soi des diverses communautés est bien présent, comme le montre le cas par exemple de la communauté d’Orania, ville afrikaner refusant officieusement toute installation de Noirs ou Métis, et revendiquant le statut d’Etat afrikaner indépendant (autre article à venir !).

 

Une situation économique et sociale préoccupante

 

Au plan économique, bien que le pays demeure la locomotive du continent, le taux de chômage avoisine  les 22% en 2008 ; crise financière oblige, il est passé à 23,5 % au premier semestre 2009, et près de 70% dans certains townships. L’Afrique du Sud est en effet particulièrement touchée par la crise, qui l’a fait entrer en récession. Un tiers de la  population se situe en dessous du seuil de pauvreté de 2$ par jour, et 60% sous le seuil de pauvreté national.

La situation sociale est donc extrêmement tendue, ce qui se traduit par la multiplication des mouvements sociaux ces dernières semaines : les employés municipaux (au nombre de 150 000 dans les services de la santé, de l’eau, de l’électricité, des travaux publics, de la police et des transports publics) se sont ainsi mis en grève au mois de juillet, revendiquant une augmentation salariale de 15 %, une revalorisation de leur revenu de base à 5000 rands (soit 497 euros) et une hausse de 70 % des allocations logement. Ce mouvement fait suite aux violentes manifestations intervenues quelques jours plus tôt dans les townships pour réclamer l’accès aux services de base, ainsi qu’à la grève des ouvriers de début juillet, lesquels demandaient une augmentation de salaire de 13 % nécessaire selon les syndicats pour faire face au coût de la vie et à l’inflation, ce que ne permettent pas les salaires actuels fixés à 2400 rands (245 euros). Cette dernière grève a paralysé des chantiers importants pour le pays : train rapide Gautrain reliant Johannesburg et l’aéroport international King Shaka, près de Durban, centrale électrique de Medupi, stades prévus pour accueillir la coupe du monde de football 2010…

 

[4.09.09 : d'après la revue Jeune Afrique, des accord auraient été trouvés dans toutes les branches en cause entre gouvernement et partenaires sociaux.]

 

La situation sanitaire n’est pas meilleure, avec un taux de sida proche de 11%, résultant en partie de l’attitude très ambiguë du précédent Président, Thabo Mbeki, à l’encontre de la maladie (contestation du lien entre SIDA et VIH, minimisation de la maladie, politique en la matière plus que réticente, etc).

 

Dans un tel contexte, Jacob Zuma a du pain sur la planche… et est très attendu, d’autant qu’il est loin de faire l’unanimité parmi les citoyens sud-africains.

 

Un homme du peuple au parcours exemplaire mais à la personnalité clivante

 

Son parcours est remarquable : né en 1942 au Zoulouland, il est issu d’une famille très modeste ; sa mère était femme de ménage et son père, décédé alors qu’il avait trois ans, policier ; lui-même gardait les vaches étant enfant. Il appartient à l’éthnie zouloue, majoritaire dans le pays, contrairement à Mbeki et Mandela, des Xhosa. C’est à 17 ans qu’il rejoint l’ANC, et à 21 qu’il est arrêté et emprisonné dans les geôles de Robben Island, où il passera 10 ans. C’est là qu’il apprend à lire et à écrire. A sa libération en 1973, il devient le chef du service de renseignements de l'ANC. Il gravira tous les échelons du parti jusqu’à en prendre la tête le 18 décembre 2007, en remplacement de Thabo Mbeki, lui-même successeur de Mandela.

 

Le personnage est néanmoins très controversé : selon les interlocuteurs, il est charismatique ou populiste, corrompu ou victime d’une cabale… Zuma traîne en effet plusieurs casseroles qui retentissent toujours : un procès pour corruption en 2005, dans lequel il est soupçonné d’avoir perçu des pots de vin de la part de la filiale sud-africaine du groupe français Thalès, en lien avec la conclusion d’un contrat d’armement ; ce procès ne sera finalement pas mené à terme pour des raisons procédurales. Et puis un autre procès, cette fois pour viol, clos par un acquittement en 2006, au cours duquel il a expliqué avoir «pris une douche complète après» pour éviter d'être infecté par sa partenaire séropositive… Zuma est par ailleurs partisan à titre personnel de la polygamie, qu’il pratique avec constance (5 femmes, 18 enfants officiels), du test de virginité, ou encore de la peine de mort.

 

Aussi les interrogations sont-elles nombreuses quant à la politique que le nouveau président va mettre en œuvre, et ce d’autant plus que ses discours électoraux n’ont pas permis de lever le voile quant à ses intentions réelles. Beaucoup lui ont reproché d’avoir pendant la campagne adapté son discours à ses interlocuteurs…

 

En matière économique, sa proximité avec la confédération syndicale Cosatu et le Parti communiste ont fait craindre à certains une inflexion à gauche de sa politique. En réalité, le cap semble avoir été maintenu malgré le remaniement ministériel qui a vu Trevor Manuel, l’ancien Ministre de l’Economie et des finances, très rigoureux et respecté par les institutions internationales, considéré comme l’artisan du développement économique du pays poste-apartheid, être remplacé par Pravin Ghordan, l’ancien ministre du fisc.

 

Trevor Manuel prend quant à lui la tête d’une nouvelle Commission nationale du Plan, chargée de la définition de stratégies politiques auprès de la Présidence. Il occupe ainsi un poste officieux de Premier Ministre.

 

S’agissant plus spécifiquement de la lutte contre la corruption, érigée en priorité par le nouveau Président, les commentateurs soulignaient la faible crédibilité de Zuma. Néanmoins, plusieurs élus et fonctionnaires soupçonnés de corruption ont d'ores et déjà été limogés.

 

Au plan international, certains observateurs attendent de l’Afrique du Sud un engagement fort dans les problématiques continentales.  Thabo Mbeki avait quant à lui oeuvré en ce sens (mise en place du NEPAD, création d'un lien Sud-Sud avec l'IBSA - India - Brazil - South Africa, insription du continent à l'ordre du jour du G8, ...). Cependant, eu égard aux difficultés internes majeures que Jacob Zuma va avoir à traiter, il est probable que sa politique en la matière ssoit au moins dans un premier temps minimale, même si ses conseillers parlent de "continuité". C’est ainsi qu’il s’est borné, lors de son discours sur l’état de la nation du 3 juin dernier, à promouvoir une politique étrangère axée sur la promotion de la paix et le développement sur le continent en bonne intelligence avec l’Union Africaine et le Nepad. Zuma a pourtant fait ses preuves en tant que médiateur, dans le conflit opposant ANC et  Zoulous au Natal en 1994, ou encore dans le cadre du processus de paix au Burundi, déchiré par une guerre entre hutus majoritaires et tutsis minoritaires. Il a également, contrairement à Mbeki, pris ses distances avec la politique menée par Mugabe au Zimbabwe voisin.

 

Après 100 premiers jours au pouvoir, le constat est le suivant : le pays, frappé par la récession, est dans une mauvaise passe économique qui exacerbe les mécontentements. Zuma est très critiqué, car les effets de ses mesures (par exemple le versement de plus de 300 millions de dollars dans un fonds d’emploi) tardent à se faire sentir. Toutefois, sa réactivité et son implication personnelle réelle sont appréciées… Premier bilan mitigé, donc. A suivre...

 

 

Sources : outre les sources citées directement dans le texte, voir les sites internet du  Monde, Libération, Le Figaro, Courrier international, RFI, Le nouvel observateur, le numéro 2536-2537 de la revue Jeune Afrique, et www.afrik.com.