Le pot de terre et le pot de fer – petite histoire revisitée à la mode africaine

Les pays d’Afrique de l’Ouest délaissent de manière croissante les habitats traditionnels, construits à partir de terre crue, au profit de constructions utilisant ciment et tôle, considérées comme plus modernes et nimbées de ce fait d’une aura prestigieuse, la terre étant quant à elle synonyme de pauvreté.

 

De fait, ces derniers matériaux présentent l’avantage indéniable d’une plus grande pérennité. Cela ne doit pas pour autant faire oublier les inconvénients majeurs qui les caractérisent. Ainsi, la tôle utilisée en toiture est source d’une très grande chaleur à l’intérieur des maisons ; plus généralement, les deux matériaux présentent des qualités acoustiques et thermiques médiocres, et surtout, il s’agit de produits d’importation coûtant extrêmement cher et sources de pollution.

Grande mosquée de Djenné (Mali)
Grande mosquée de Djenné (Mali)

C’est pourquoi une certaine promotion et revalorisation du matériau terre, utilisé depuis des siècles (grande muraille de Chine, palais de Chan Chan au Pérou, grande mosquée de Djenné, ou même plus modestement en Europe, habitations en pisé, bauge ou torchis) est actuellement à l’œuvre dans ces pays , et même ailleurs (en Occident aussi ! d’ailleurs, nos amis Manon et Adrien ont monté un projet passionné et passionnant autour de l’architecture en terre ; leur blog Touraterre vous donnera plus de détails).

 

Affirmons-le : la terre crue n’est pas un matériau de pauvres utilisé seulement dans des pays dits sous-développés.

Maison en pisé (Dauphiné)
Maison en pisé (Dauphiné)

On en veut pour preuve les nombreuses qualités de ce matériau, largement reconnues : disponible en grande quantité, économique, naturel, facile à travailler même sans compétences techniques, il est en outre doté d’une grande plasticité et surtout, détail fondamental dans un pays ou une région chaud(e), d’une importante inertie thermique à même de réguler les écarts de température. Les maisons en terre offrent ainsi un meilleur confort que les constructions en béton, et permet de prendre en compte des considérations d’ordre écologique ou éthique. Réciproquement, la terre crue comporte inévitablement quelques inconvénients, au premier rang desquels sa sensibilité à la pluie ou à l’humidité, ensuite la nécessité d’un entretien très fréquent, enfin la nécessité d’une main d’œuvre assez importante.

 

Il existe diverses techniques d’utilisation de ce matériau : le pisé (mélange argile – sable compressé), la bauge (mélange terre – paille, celle-ci améliorant la cohésion et la résistance du matériau), le torchis (terre-paille ou terre-chanvre coulé entre les éléments d’une structure en bois ou brique et comportant une structure interne), brique de terre crue compressée (en général, chaux, sable et terre), brique d’adobe (argile, eau et débris végétaux ou poils d’animaux), sacs de terre, …

 

Le banco est quant à lui le nom donné à la terre, une fois mélangée à de l’eau pour former une pâte.

Village dogon
Village dogon

En Afrique, il s’agit du matériau de construction traditionnel, les techniques et styles architecturaux différant selon les régions et les ethnies, des maisons dogon à l’architecture soudanaise (cf. la mosquée de Djenné), en passant par l’architecture kasséna (au Burkina Faso) ou les casbahs marocaines.

Maison kassena
Maison kassena
Casbah (Maroc)
Casbah (Maroc)

 

Pour faire face à l’abandon relatif de la construction en banco en Afrique de l’Ouest, des actions de sensibilisation et de formation sont menées, ces dernières palliant la perte progressive du savoir-faire en la matière.

Parallèlement, de nouvelles techniques sont introduites, telle la voûte nubienne, développée au Burkina Faso et qui commence à s’étendre dans d’autres pays. Partant du constat de pénurie de bois, normalement utilisé en Afrique de l’Ouest comme structure au niveau des toitures (en raison notamment de la déforestation et de la priorité accordée au bois de chauffe), l’association éponyme a développé en l’adaptant aux spécificités locales (fortes précipitations en saison des pluies) la technique de la voûte nubienne, qui ne nécessite pas de structure en bois.

Elle a en outre mis en place un programme de vulgarisation de cette technique afin d’en étendre l’utilisation au maximum. Comme quoi avec de bonnes idées et beaucoup de volonté, on peut trouver des solutions aux problèmes…

 

Si nous vous avons convaincus de l’intérêt de la construction en terre crue, ou si (on ne sait jamais…) vous voulez faire construire, allez donc faire un tour sur le site de l’association AS Terre