La Ferme Ecole de Latian : un espoir paysan

Après avoir lu ce qui suit, si vous souhaitez aider ou en savoir plus sur le projet, n'hésitez pas à vous rendre sur le site de l'association Agriculture Solidaire par une formation Burkinabè au Développement.

Compte rendu de visite de la ferme école de Latian

 

Nous avons séjourné trois jours, du 27 au 29 avril 2010, à la ferme école de Latian, afin de prendre le temps de découvrir ce projet. Laughkmane Zongo, le gestionnaire, nous a accueillis chaleureusement à Sapouy et nous a emmenés à Latian, à environ une demi-heure de piste en moto, au travers de la brousse burkinabée.

 

Créée en 1999 à l'initiative de Patrick Peyron, français et agronome de formation, la ferme école a pour objectif de démontrer qu'il est possible de vivre dignement de l'agriculture paysanne au Burkina Faso, grâce à l'amélioration des techniques employées et au travers de l'utilisation de matériaux locaux.

 

Chaque année, ce sont 12 à 14 couples de jeunes ruraux de la région qui sont formés pendant un an (contre 2 ans avant 2005). Le choix de former des couples plutôt que des individus a été fait afin d'associer obligatoirement les femmes à la gestion de l'exploitation, dont elles sont en général exclues par la tradition. Cela permet d'accroître le potentiel de réussite du couple et de la famille.

 

La première promotion a quitté la ferme-école en 2004 ; c'est donc une demie-douzaine de promotions qui sont passées par l'établissement aujourd'hui. En 2005, la ferme a connu des difficultés sérieuses, suite à une rébellion de certains apprenants concernant le indemnités qui leur sont versées pendant la période d'apprentissage. Le conflit, très grave (les apprenants accusant les encadrants d'exploitation) a conduit à la saisine des autorités publiques. Finalement, une médiation a abouti : la formation a été écourtée cette année là, un règlement à l'amiable trouvé. La période a cependant été très difficile à gérer pour le projet et reste dans les mémoires.

 

Enseignements

 

La méthode d'apprentissage de la ferme école repose assez peu sur la théorie, accordant une grande part à la pratique. En s'occupant de la ferme comme d'une véritable exploitation, il s'agit pour les apprenants de savoir planifier et pratiquer toutes les techniques nécessaires à une activité agro-pastorale intégrée et durable. La philosophie de la ferme-école est d'apporter aux élèves des techniques accessibles, utilisant les moyens réellement à la disposition des paysans, dans un souci de durabilité. La plupart de ces techniques généralement simples ne sont à l'heure actuelle que peu utilisées dans le monde paysan en Afrique de l'Ouest.

 

Par exemple, le compostage, qui permet de disposer d'une matière organique de qualité (dans laquelle les germes ont été tués lors de la fermentation), est une des techniques enseignées afin d'entretenir les sols. De même, les apprenants sont initiés au labour à l'aide de la force animale. On soulignera que, de manière surprenante, la force animale reste relativement peu employée en Afrique de l'Ouest. Les quelques facteurs avancés comme justification à cette situation (risque d'aggraver la pauvreté de certains sols, présence de nombreuses souches) ne suffisent pas à expliquer cet état de fait généralisé. Or, l'utilisation de la force animale permet des gains de temps et d'efforts considérables (il faut environ 4 à 5 jours pour labourer un Ha avec un âne et 2 jours avec un bœuf, et bien plus à la main...). On peut certes voir en ville et à la campagne des ânes tirer des charrettes, mais jamais de bœufs tourner en rond pour puiser l'eau, par exemple. Pour la production agricole il en va de même : la force utilisée reste principalement celle de l'homme.

 

La ferme école promeut égalementcertaines activités de transformation, afin de permettre l'accroissement de la valeur ajoutée produite, et donc l'augmentation des revenus des paysans. En général, ceux-ci se contentent en effet de produire sans transformation pour l'auto-consommation et la revente de proximité.

 

Ainsi, les apprenants se voient enseigner la transformation de lait en yaourt. La production est ensuite facilement écoulée sur le marché local. Chaque sachet de 100 gr de yaourt étant vendu 50FCFA, le revenu complémentaire apporté au paysan par cette activité peut être substantiel, atteignant environ 45 000 FCFA (hors investissements) par mois avec deux vaches laitières. Il n'en demeure pas moins que les paysans se lancent rarement dans cette activité, y compris parmi les anciens élèves de la ferme, ce qui est difficilement compréhensible d'un point de vue strictement économique. Certains anciens nous ont expliqué qu'ils projetaient de fabriquer du yahourt mais que pour l'heure, ils n'avaient pas pu avoir suffisamment de lait (ce qui est le cas lorsqu'il n'y a sur l'exploitation qu'une vache laitière, ou que les vaches n'ont pas vêlé) ou n'avaient pu investir dans le matériel nécessaire (problème d'épargne).

 

Au delà du yaourt, d'autres produits sont fabriqués à la ferme, essentiellement par les femmes : huile, miel, soumbala (sorte d'épice africaine qui remplace le bouillon cube, fabriqué à base de graines de néré), savon, beurre de karité... Chacun de ces produits, si la technique de fabrication est correctement maîtrisée, pourrait constituer pour les apprenants une source de revenus supplémentaire.

 

Le respect de la planification est également un élément important de la formation : dans la culture ouest-africaine, « on abandonne facilement un travail à cause d'un petit problème, ce qui provoque des difficultés pour la réalisation de l'objectif final ».

 

Au-delà des techniques peu usitées dans le milieu paysan, la rigueur et l'amour du travail régulier sont également enseignés aux apprenants. Et cela fonctionne : certains anciens disent ne plus ressentir le réveil matinal comme une corvée mais sont au contraire impatients d'aller dans leurs champs. M. Bayili, directeur intérimaire de l'établissement, explique lui aussi que la méthode de formation se révèle payante, car les apprenants et anciens disent avoir appris à réaliser des tâches dont ils se croyaient incapables, tant en qualité qu'en quantité.

 

Le quotidien à la Ferme

 

Chaque matin à 7h, une réunion de quinze à 20 minutes a lieu entre encadrants (recrutés parmi les anciens élèves) et apprenants : c'est le moment pour chacun d'expliciter les problèmes éventuellement rencontrés pendant la précédente journée de travail et de répartir entre les apprenants les activités journalières, auxquelles sont liés des objectifs à atteindre. Les élèves travaillent jusque 13.00 (les femmes s'arrêtent un peu plus tôt pour préparer le repas). Une réunion similaire se tient à 15.00, et la journée de travail s'arrête à 17.00.

 

Les activités sont assez variées (fabrication de briques en banco pour la construction du corps de ferme, crépissage, construction, arrosage, récolte, nettoyage des champs, désouchage, gestion du bétail...), et demandent généralement des efforts physiques intenses. Au-delà de l'aspect pédagogique, le fait que les apprenants fassent fonctionner l'activité productive de la ferme permet que celle-ci soit quasi autonome au plan alimentaire.

 

Pendant toute la durée de la formation, les apprenants sont logés sur le site et reçoivent périodiquement une quantité de céréales produite sur la Ferme suffisante pour leur alimentation, ainsi que 2500 FCFA pour l'achat des « condiments » (aliments). Chaque couple dispose également d'un quart d'hectare qu'il peut utiliser à sa guise. A leur sortie, ils sont dotés en matériel et bétail (une charrue, une animal de trait, quelques petits ovins / caprins, ...), et reçoivent 400 kg de nourriture. Cette dotation doit leur permettre, en sus de leur formation, de démarrer leur activité agricole avec un niveau de production suffisant pour pouvoir améliorer leur situation et pérenniser l'activité.

 

Activités périphériques

 

Au delà des activités pédagogiques (production agricole et produits transformés), la ferme conduit des activités périphériques, à caractère humanitaire et de soutien aux anciens. Elle dispose notamment d'une unité de production de spiruline (voir ici l'article sur le sujet écrit par un blogueur vivant au Mali), une algue aux propriétés intéressantes notamment en tant que complément alimentaire. Cette unité est gérée par les encadrants, avec le soutien de 2 des femmes apprenantes. La production de cette algue miracle ne fait pas réellement partie du cursus des apprenants, car elle nécessité des investissements trop lourds et des soins trop importants pour pouvoir être facilement mise en place par un couple d'agriculteurs et ne serait de toute façon pas une culture rentable. Elle a été initiée à des fins de solidarité avec les communautés voisines : la ferme propose en effet des cures de spiruline de 3 semaines aux élèves des établissements scolaires alentour.

 

Par ailleurs, la ferme participe au financement de la scolarité de certains enfants du collège voisin de Latian (25 000 FCFA par an et par enfant).

 

Enfin, la ferme propose des micro-crédits aux anciens apprenants, afin de leur permettre d'investir dans du bétail ou du matériel. Lors de notre visite, ce poste représente 1 à 2 millions de FCFA d'encours, avec des prêts d'un montant moyen de 150 000 FCFA par couple. Laughkmane explique que les problèmes de remboursement qui ont pu être rencontrés ont tendance à disparaître, bien qu'il soit encore obligé de se déplacer pour le recouvrement de certaines sommes.

 

Administratif et financier

 

La gestion quotidienne de l'établissement est assurée par Laughkmane Zongo, aidé par les quatre encadrants. Ils sont appuyés à distance et à certaines périodes sur le terrain par Patrick Peyron, l'initiateur du projet, qui a créé en France une association qui est le support financier et administratif de la ferme-école.

 

Un outil statistique est rempli chaque semaine par Laughkmane Zongo et envoyé à l'association française, afin d'assurer le suivi productif de la ferme-école.

 

Le budget annuel de l'association française, consacré aux frais de fonctionnement de la ferme école et des activités qui y sont menées, était pour l'exercice 2008 de 87 000€ ; 75% vont directement au fonctionnement de la ferme école. Les ressources sont largement constituées de dons (64 000€ en 2008) provenant de particuliers, auxquels il faut ajouter notamment les revenus de la ferme (9 000€), la réalisation d'évènements en France (soirées, ventes...). On constate donc que, malgré l'activité productive de la ferme école, il lui serait en l'état actuel des choses impossible d'être autonome financièrement.

 

Il est à noter par ailleurs que des mécènes (Rotary Club) interviennent ponctuellement, principalement pour des financements d'équipement en matériel ou d'investissement immobilier.

 

Dans un souci d'autonomie accrue et de réduction des coûts engendrés par l'activité agricole, Laughkmane nous a indiqué que de nouvelles activités seraient susceptibles de s'ajouter à celles actuellement pratiquées. Il pourrait par exemple s'agir d'installer une forge interne à la ferme, ce qui impliquerait des investissements en matériel (250 000 FCFA pour une enclume par exemple) et en ressources humaines compétentes. Mais cela permettrait potentiellement de réaliser des économies substantielles sur le coût du matériel dont sont dotés les apprenants (actuellement acheté à l'extérieur). A titre d'exemple, Laughkmane estime que la production en interne de charrues pourrait faire économiser 20 000 FCFA par charrue (par rapport au prix de 135 000 FCFA sur le marché), soit plus de 200 000 FCFA par an. Au-delà de la production pour satisfaire les besoins du projet, il pourrait être envisagé, si les capacités étaient suffisantes, d'étendre cette production dans un objectif de vente en externe – et donc d'accroissement des revenus. Selon un même raisonnement, la construction d'un moulin pourrait être envisagée.

Interview des anciens apprenants

 

 

Nous avons rencontré différents anciens élèves de la ferme établis à proximité. Ils nous ont reçus sur leurs exploitations et nous avons discuté de leur passage à la ferme école, de leurs projets, de leurs problèmes. Ci-dessous les trois interviews réalisées.

 

 

Bruno Niekiéma

 

Bruno et sa femme ont quitté la ferme école depuis deux saisons, mais ont changé de terrain deux mois avant notre passage. Bruno nous explique que la terre appartient au village ; le nouveau terrain qu'il occupe était cultivé auparavant par un autre ancien apprenant de la ferme, mais ce dernier a rejoint la ferme comme encadrant. Il a souhaité prendre sa place car son ancien terrain, situé derrière le bas-fond, était moins productif. Pour pouvoir occuper le nouveau terrain, il a fallu demander l'autorisation des chefs traditionnels. La terre n'est pas achetée ou louée : elle est mise à sa disposition. En l'occupant, il devient habitant du village, ce qui signifie que lorsque le village a besoin d'aide, il se doit de participer aux frais. La terre reste au paysan tant que celui-ci la cultive, et revient au village s'il la quitte... Il peut malgré tout en être dépossédé (en cas de conflit par exemple).

 

Bruno et sa femme, qui l'aide pour de nombreux travaux (culture, travaux champêtres, production d'arachide, soins aux animaux), produisent sur leurs 3 ha du mil, du maïs, des haricots (rouges), de l'arachide et du sésame. Ils font également un peu d'élevage : chèvres, poules, un bœuf de trait et une génisse. L'arachide et le sésame sont principalement destinés à la vente, tandis que les autres cultures seront auto-consommées. Ils ne font pour l'instant pas de transformation de leur production. Ils projettent de produire du yaourt et de le vendre au village (plutôt que le lait frais, qui se vend moins bien et dont la commercialisation revient aux peuls).

 

Bruno a un bon souvenir de son passage à la ferme école, qui l'a aidé à devenir un vrai paysan. Il a appris différentes techniques et méthodes de travail qui lui sont utiles (compostage, espacement des plants...). Il utilise le compostage et les déchets animaux, mais également un peu d'engrais pour le maïs ; il projette d'essayer les herbicides et pesticides pour la première fois.

 

Il est satisfait du fonctionnement de sa ferme, bien que cela demande beaucoup de travail. Il estime être dans une meilleure situation que les autres paysans, car il sait comment il faut travailler. De plus, il souligne qu'il possède grâce à la dotation de la ferme du matériel qui lui permet d'avancer, tandis que les autres paysans ont du mal à acquérir le matériel initial. Cependant, la vie n'est pas facile. Il faut pouvoir renouveler le matériel qui s'use, ce qui diminue la possibilité de se lancer dans une nouvelle activité. Il peut aussi y avoir des problèmes avec les insectes et les parasites, pour les cultures comme pour l'élevage. Si le bœuf est malade, il faut faire venir les services vétérinaires, qu'il faut payer pour les soins et les frais d'essence (NB : les services vétérinaires sont des services de l'Etat, duquel ils sont censés recevoir des dotations permettant de couvrir les frais de déplacement. En pratique, l'argent n'arrive jamais à destination...). D'ailleurs, pour l'instant, il n'a pas fait appel à eux, il préfère passer par la ferme école (située à proximité) car Laughkmane, contrairement à lui, a quelques notions en santé animale : c'est plus pratique et moins cher. Grâce à Laughkmane, les paysans se sont groupés une fois pour faire venir le vétérinaire afin qu'il donne un traitement à toutes les bêtes. Cela a permis de réduire les coûts (chacun n'a payé que 500FCFA).

 

En termes d'épargne, Bruno nous explique qu'il est en mesure de réaliser de petites économies pour faire face aux besoins du quotidien, mais ne possède pas encore d'économies substantielles, notamment parce qu'il vient de déménager.

 

Bruno Nikiema n'a pas peur de l'avenir, il est confiant : le travail permettra d'arranger les choses. Il souhaite pour ses enfants (un garçon de 5 ans, un bébé arrivant en juillet) que leur situation s'améliore par rapport à la sienne ; il estime qu'il revient à lui-même et sa femme, en tant que parents, de leur donner leur chance. Il faut donc qu'ils aillent à l'école et qu'ils y réussissent. Pour l'instant, le petit est trop jeune, mais ils veulent économiser pour lui permettre d'être scolarisé.

 

Zondi Salfo

 

Zondi et sa femme sont sortis de la ferme école en 2004 ; ils ont donc six ans d'expérience en tant que fermiers, dont les cinq dernières sur leur exploitation actuelle de 5 ha, qu'ils veulent élargir à 5,5 ha.

 

A la ferme, malgré une formation très difficile pendant deux longues années, Zondi dit avoir appris beaucoup de choses : l'élevage et le suivi des animaux, les fosses fumières, les plantations, le compost, les semis... Avant, il savait cultiver, mais pas exploiter correctement pour faire vite et grand. Il souligne qu'il est différent de cultiver pour soi ou pour ses parents ; lorsqu'on est indépendant, il faut pouvoir nourrir sa famille.

 

Zondi considère que sa situation est meilleure que celle des autres paysans qui n'ont pas suivi de formation : il possède du matériel et de l'expérience, alors que certains paysans de la région n'ont même pas un bœuf à eux après plusieurs années d'exploitation. Après quelques années de travail de la terre, un paysan éduqué peut obtenir de bien meilleurs rendements sur davantage d'hectares que la plupart de ses collègues qui travaillent à la main. Malgré (ou en plus de) ce qu'il a appris à la ferme, il utilise des engrais et des herbicides. Pour lui, ça change vraiment les choses, l'utilisation des produits chimiques fait qu'il y a beaucoup moins de travail sur l'exploitation. En effet, beaucoup de graines et donc de mauvaises herbes sont déposées dans les champs à cause du passage de bœufs (troupeaux des peuhls), et il n'est pas possible de clôturer les champs, car les villageois qui lui ont attribué le terrain penseraient qu'il se l'approprie définitivement... ce qui pourrait poser des problèmes importants. Lui et sa femme avaient essayé de planter des eucalyptus, mais ils ont été convoqués par le délégué du village et ont dû les retirer (NB : le fait de planter des arbres est considéré comme une appropriation d'un terrain en Afrique de l'Ouest).

 

Ses possessions sont plus importantes que celles d'autres anciens apprenants, avec notamment 2 bœufs, 2 vaches (et maintenant 2 veaux) et une grange. Cela provient de la dotation exceptionnelle proposée par la ferme l'année de sa sortie, à la condition de rester au moins 5 ans sur la même exploitation et de tenir informée la ferme école de l'évolution de l'exploitation.

 

Le couple possède également des ânes, moutons et chèvres et cultive du maïs, du mil, du sorgho, du haricot, de l'arachide. Ils veulent essayer de produire du riz prochainement. Ils avaient essayé le coton il y a deux ans, mais ce n'était pas rentable. Sur leurs deux vaches, il y a une vache laitière ; ils font donc un peu de yaourt, mais seulement pour leur consommation personnelle car la production est trop faible pour être vendue (une seule vache, faible qui plus est à cause du manque de fourrage). En dehors de cela, ils produisent peu de produits transformés : quelques tourteaux d'arachide, un peu de sumbala.

 

Pour Zondi Salfo, l'activité va « un peu un peu » (i.e. moyennement) : ses objectifs ne sont pas encore atteints. Sa femme et lui ont dû faire face à des problèmes de santé qui ont brouillé leur capacité à faire face à l'avenir. D'après lui, le principal problème est leur pauvreté : ils ne gagnent pas assez et n'ont pas assez de moyens. Il estime que l'activité leur permet de vivre, de se débrouiller tout au plus.

 

Pour autant, malgré cette perception négative, Zondi et sa femme tirent leur épingle du jeu. Le problème de santé, relativement important (valeur des soins : 135 000 FCFA), a pu être réglé. Une moto est garée dans une pièce de la maison (alors que la plupart des paysans se déplacent soit en charrette, soit à vélo). De plus, le couple a pu faire construire deux maisons à Sapouy, en tant qu'investissement immobilier, et espère pouvoir en tirer une source de revenu. Leurs moyens semblent donc être substantiellement plus importants que ceux d'autres paysans et même d'autres anciens élèves.

 

Concernant les enfants, le couple souhaite qu'ils aillent à l'école et essaie d'économiser un peu d'argent pour leur éviter d'avoir à souffrir (notamment grâce aux investissements immobiliers). Ils espèrent que les enfants auront, grâce à leur travail, une base pour commencer dans de meilleures conditions qu'eux-mêmes. Avec l'instruction, ils pourront faire le choix de ne pas continuer de travailler dans l'agriculture, mais d'avoir un autre travail, un commerce par exemple...

 

 

Ousmane Zondi et Sawadeta Sanfo

 

Le couple est établi depuis 2005, année de sortie de la formation, dans leur actuelle ferme et ses 6 Ha.

 

Ousmane et Sawadeta expliquent avoir appris beaucoup de choses intéressantes à la ferme école (élevage, entretiens des sols, amélioration des cultures, transformation en yaourt...). Après la formation, s'ils se sont installés, c'est parce qu'ils avaient l'espoir de pouvoir sortir de la misère dans laquelle ils sont. Ils travaillent pour trouver les moyens de faire vivre leurs enfants.

 

Ils expliquent qu'au-delà de l'auto-consommation, une petite partie de leur production peut être vendue au marché. Grâce aux économies qu'ils ont pu réaliser, ils ont acquis un second bœuf. Mais des problèmes familiaux réguliers les ont obligés à investir ailleurs que dans le cheptel. Pour l'instant, ils n'ont pas de production de yaourt, car la génisse qu'ils ont achetée n'a pas encore vêlé. En revanche, Sawadeta fabrique du beurre de karité.

 

Ils utilisent un peu de pesticides (uniquement sur les haricots) et d'herbicides, mais relativement peu à cause du coût. S'ils en avaient la possibilité, ils en utiliseraient plus. Ils ont conscience des dégâts causés sur les sols, mais étant donné que tout le monde utilise des pesticides, ils considèrent qu'eux le fassent ou pas, cela ne changera rien pour l'environnement.

 

Ils voient des différences avec ceux qui ne sont pas allés à la ferme école : ils ne nourrissent pas leurs sols avec du compost, ils n'ont pas de projet de transformation du lait...

 

Ils soulignent néanmoins que les difficultés rencontrées sont assez nombreuses : manque de moyens pour acheter des engrais, des animaux de trait ou des génisses... Heureusement, la ferme permet aux anciens d'accéder à des micro-crédits, ce qui leur permet de faire face. Mais ce n'est pas en un an, ni même deux ou trois qu'ils verront de grands changements.

 

Dans 30 ans, leurs cinq enfants (dont aucun n'est à l'école le jour de notre passage) rencontreront des difficultés : manque de terres et terres épuisées à cause des pratiques actuelles (et notamment l'utilisation de pesticides). Ils espèrent donc qu'ils auront réussi à gagner suffisamment d'argent pour pouvoir leur permettre de quitter le monde paysan.