Au travail...

Nous voilà, chacun de notre côté, dans un environnement de travail tout nouveau. Après quelques semaines, nous voulions partager avec vous nos premières impressions… Evidemment, elles ne doivent pas être extrapolées à l’ensemble de la société malienne, car elles ne sont que le reflet de nos observations, par nature limitées et incomplètes !

 

  • Le monde des bureaux est essentiellement masculin. Les femmes occupent le plus souvent des postes de secrétaire ou en lien avec la "social" au sens large. Si cette situation s’explique pour partie par une vision encore très « traditionnelle » du rôle de la femme ( à elles le social, aux hommes le reste), elle est surtout due au faible taux de scolarisation des filles. En effet, notamment dans les villages, les petites filles sont utiles à la gestion du foyer familial : elles sont souvent associées, dès le plus jeune âge, aux travaux ménagers, et à la garde de leurs frères et sœurs  lorsque leur mère est aux champs ; en outre, la fille, une fois mariée, « appartient » à la famille du mari : dans ces conditions, à quoi cela sert-il d’assurer son éducation ? Les chiffres officiels mentionnent une différence de 20 points entre taux brut de scolarisation des filles et des garçons (65,1% en 2005-2006 pour les filles en 1er cycle, contre 85,1 % pour les garçons ;  sur la même période, 31,1% en second cycle pour les filles, contre 52,1% pour les garçons). Cela se voit vite sur le terrain : à la bibliothèque nationale (BN), sur une quarantaine de lecteurs, seulement trois femmes... Quelques exceptions existent toutefois, et certaines femmes parviennent à accéder à des postes à responsabilité ; c’est ainsi que le poste de coordinateur national adjoint du Bice a été attribué à une femme.

Faute de moyens, les outils de travail sont souvent insuffisants pour un travail efficace : utilisation de PC antiques en nombre insuffisant ;  absence de recensement informatique des ouvrages de la BN, dont le cahier de doléances précise que l’informatisation est en cours ; absence d’accès aux textes juridiques, y compris pour les juristes – qui peuvent ne pas savoir qu’une des lois qu’ils utilisent quotidiennement a été modifiée il y a plus de 2 ans, même si cette loi intervient dans leur matière de spécialité et même s’ils sont membres du cabinet ministériel du ministre de la justice ( !) ; ne parlons pas de bases de données informatiques, auxquelles n’importe quel étudiant en fac a accès en France. Dans les rares cas où de tels outils sont mis à disposition, ils sont généralement mal maîtrisés. Ainsi, certains de nos collègues nous ont déjà demandé de leur prodiguer une formation en traitement de texte… Forcément : à la fac, la formation informatique reste théorique ! Vous pouvez imaginer la présentation des documents, et les problèmes d’image de l’organisme qui en découlent…

 

  • Nous parlons tous français, certes… mais ça n’est pas toujours le même! Il est quelque peu surprenant, et parfois comique, de devoir subir un discours sentencieux de 10 minutes, parfois à coup de citations du dictionnaire, sur la signification d’un terme donné ! Exemple, à propos du terme « implications » (d’un évènement sur un autre) : « ce vocable, là, suppose que l’on s’implique, n’est-ce pas, donc, je ne vois pas ce que la personne qui l’a écrit a voulu dire ; non vraiment, ça n’est pas correct ; je suggère qu’on le remplace par le mot « impact »,  qui est le seul valable, etc etc ». On a parfois l’impression de s’épuiser à se faire comprendre, ou à comprendre…

 

  • Le temps malien est lui aussi parfois déconcertant, lorsqu’il est appliqué au travail ; d’un côté, les palabres, le thé, etc, peuvent durer des heures (sans que pendant ce temps le travail avance) ; certaines personnes peuvent soit ne pas venir travailler, soit écourter leur journée ; les travaux préalables à des ateliers de travail communs ne sont parfois pas effectués… De l’autre, lorsque le besoin s’en fait sentir, les Maliens font des heures supplémentaires (et pas dans le cadre du travailler plus pour gagner plus !) sans aucunement se plaindre, et sont même prêts à travailler chez eux le soir et le week-end… C’est une logique qui nous échappe encore un peu !

 

  • Sur certains lieux de travail existe le système des « amendes », qui n’est pas très simple à cerner pour nous car il se fonde sur les relations entre nos collègues : par exemple, si un jeune manque de respect à un plus âgé, il pourra « être amendé » ; il devra alors, suivant les cas, aller chercher un paquet de cigarettes, offrir une boisson à tout le monde, etc. Le plus compliqué est de savoir quand on manque de respect ou pas, d’autant plus que le système est souvent utilisé sur le ton de la plaisanterie, davantage comme une menace qu’une réalité…

 

  • Et puis, d’une manière générale, ce n’est pas toujours facile vis-à-vis de certaines personnes de faire valoir un point de vue, ou même de présenter des observations parfaitement objectives, lorsque l’on est  blanc (donc étranger, donc ne comprenant pas les réalités locales – ce qui est vrai évidemment pour un certain nombre de choses !), et plus encore  jeune et femme… Mais ces difficultés, si elles ne facilitent pas le travail, ne le bloquent pas pour autant ; et elles permettent aussi d’apprendre beaucoup, sur le plan des relations humaines.

Écrire commentaire

Commentaires: 1
  • #1

    H. (mardi, 27 octobre 2009 11:09)

    en bref: femme au volant (de la société ) mort au tournant (de la mondialisation).

    Je me sens devenir "sémantiquement" malien.

    ;-)