Gestion des déchets à Bamako

Il fût un temps, Bamako était surnommée « La coquette » du fait de sa remarquable propreté. Aujourd'hui, on évitera de donner un nouveau surnom à la capitale malienne, tant celui-ci risquerait d'être désobligeant. Avec l'apparition de la consommation de masse, les déchets solides s'entassent, s'éparpillent ; la situation est alarmante.

 

A Bamako, chacun des 1,5 millions d'habitants produirait chaque jour 0,67 kg de déchets solides, soit un total de 260 000 tonnes par an sur l'ensemble des six communes de Bamako.

 

La gestion des déchets se faisait de manière totalement centralisée par les services municipaux jusqu'en 1992 et le résultat n'était pas bon (faible taux de collecte, coût élevé, détérioration des équipements). En 1992, la création d'un Groupe d'Intérêt Economique est décidée afin de permettre une décentralisation des collectes, grâce l'intervention à titre principal du secteur associatif (groupements de quartiers, groupements professionnels, ONG...). Mais les moyens mis à la disposition du GIE sont très faibles : 1 seul camion, 1 camionnette, 6 tracteurs, 220 charrettes, 11 pousse-pousse.

 

En théorie, la récupération des déchets s'effectue comme suit : les familles collectent les déchets dans une poubelle disposée devant chez eux, les charrettes passent récupérer les ordures devant les domiciles des particuliers pour les déposer dans des « dépôts de transits » (immatriculés par la municipalité), puis des camions viennent récupérer les dépôts pour les évacuer vers l'extérieur de la ville afin de les entreposer dans des sites aménagés.

 

La réalité est bien moins satisfaisante. Tout d'abord, les poubelles des particuliers sont rarement observables (46% des ménages déclarent utiliser une poubelle, 26% déclarent utiliser d'autres récipients -seaux, tasses...-, et 26% déclarent n'utiliser aucun récipient). Ensuite, les charrettes existent bien, mais elles sont très probablement en sous-effectif drastique. Il existe de nombreux dépôts qui ne sont pas des « dépôts de transit » (immatriculés par les services municipaux... en théorie). Les moyens d'évacuation des déchets vers l'extérieur de la ville demeurent très insuffisants (1 seul camion !). Enfin, il n'existe pas de site adapté pour récupérer les déchets ; ceux-ci sont donc entreposés dans une décharge provisoire, en pleins champs ou directement rejetés dans le fleuve Niger ou ses affluents...

 

Le financement s'effectue en théorie par la perception d'une taxe de 1000 à 2000 FCfa par mois auprès de chaque famille (1,5 à 3 euros). En réalité, 90% de cette taxe n'est pas recouverte, de nombreuses familles ne connaissant même pas son existence.

Zoom

La décharge de Doumanzana

 

Dans un article daté de 2008, l'agence d'aide au développement luxembourgeoise (Lux-Development) décrit la situation de la décharge de Doumanzana principale décharge publique de Bamako. A lire absolument

Il existe par ailleurs une catégorie d'acteurs, rarement considérés par les pouvoirs publics et pourtant importants : ils sont pudiquement appelés les « récupérateurs ». Ces dizaines d'hommes et de femmes de tous âges (y compris quelques enfants) trient les déchets, en général sur le lieu des décharges (où ils résident parfois), parce qu'ils n'ont pas d'autre choix pour survivre. Ce qu'ils récupèrent peut avoir trois usages :

  • réutilisation directe par les récupérateurs (aliments, charbon, chaussures, boîtes, vêtements...)

  • revente des objets sans transformation (bouteilles, plastiques, tissus, caoutchouc, sac de mil, bidons...). Les plastiques sont revendus à certaines entreprises qui les refondent pour les transformer en seaux par exemple.

  • recyclage avant revente (aluminium, ferraille, réchauds, lampes...)

Les récupérateurs peuvent espérer un revenu variant entre 100 et 1500 Fcfa (soit 0,15€ à 2,3 €) par jour. Certaines actions sont désormais menées par des ONG et les pouvoirs publics afin de faciliter leur existence (association des récupérateurs pour stabiliser les revenus, centre pour les récupérateurs...).

 

Les chiffres relatifs au niveau de conscience publique sont également inquiétants : concernant l'état de salubrité, 15% de la population le considère comme très bon, 37% de la population estime qu'il est acceptable, 20% qu'il est déficient et 27% qu'il est très mauvais. Une sensibilisation de la population semble donc nécessaire...

 

Cette situation critique est le fruit d'un manque de moyens des pouvoirs publics et de l'échec de la nouvelle formule de collecte (GIE). Pourtant il y a de quoi, paradoxalement, espérer : en effet, la situation de pauvreté est telle qu'il existe dès aujourd'hui des « opportunités économiques » (expression cynique) dans ce système insalubre. C'est une preuve que le niveau de « rentabilité » est très bas. Il y a fort à parier qu'une meilleure valorisation des déchets (compostage avec méthanisation, tri sélectif pour revente de matière première, réparations... ) pourrait permettre de créer une filière stable au plan économique (suffisamment rentable pour ne pas avoir besoin d'énormes subventions publiques) et aboutir in fine à l'amélioration de la situation sanitaire, de la qualité de l'environnement et de la situation des « récupérateurs ». On aurait envie de dire : y'a plus qu'à. Mais c'est un peu plus compliqué...