jeu.

19

août

2010

Afrique du sud, un condensé !

Nous voilà à Johannesburg. La dernière étape du voyage... Chaleureusement accueillis par Catherine, Joe et Khanya, nous en profitons pour nous attarder sur l'histoire mouvementée du pays, que nous avions assez peu abordée jusqu'ici. Avec la chance de bénéficier de leur expérience à tous les trois – Joe a été l'un des cadres dirigeants de l'ANC, qu'il a rejointe dès 1950.

Et nous nous sentons vraiment ignorants. Nous découvrons tout ou presque du combat mené par l'ANC contre le régime d'apartheid, du Congrès du peuple de 1955 au massacre de Sharpeville en 1961 – qui marqua un tournant dans la lutte, du mouvement pacifique à la lutte armée. Les 27 ans de prison de Nelson Mandela, évidemment, mais de tant d'autres aussi, et l'exil, long et difficiles, de ceux qui n'avaient pas été emprisonnés. Le soutien du parti communiste. La cruauté du régime Afrikaner, les pass pour circuler dans les villes, la discrimination jusqu'en prison (60 centimes de rand par jour pour nourrir une prisonnière blanche, 30 pour une Indienne ou métisse, 15 pour une noire...), les lois iniques interdisant tout ou presque... Le soutien plus ou moins avoué de la France au régime blanc – intérêts à protéger obligent (vente de centrales nucléaires, achat de l'uranium namibien, …). La presque guerre civile dans les townships à la fin des années 1980.

 

Si l'apartheid a pris fin en 1994, les stigmates en sont encore visibles – et les problèmes auxquels les Gouvernements successifs de l'ANC (Nelson Mandela, Thabo Mbeki, Jacob Zuma) doivent faire face nombreux. Logement, santé, éducation, criminalité... n'en sont que quelques uns. Les townships sont les premiers touchés. Mais difficile de les faire disparaître au profit de logements plus décents, lorsque leurs habitants résistent pour diverses raisons : refus de quitter un environnement dans lequel on a vécu toute sa vie ; réticence à l'idée de devoir à l'avenir payer un loyer, quand on n'en paie pas en habitant un bidonville ; et pour les criminels, aucune envie d'abandonner des zones de non-droit servant de planques et dans lesquelles les policiers n'osent guère s'aventurer.

 

Si tout cela peut sembler n'être guère positif, il faut replacer les choses dans leur contexte : la fin de l'apartheid ne date que d'il y a 16 ans... Et beaucoup a été fait depuis. Difficile de régler toutes les difficultés d'un seul coup ! Qui plus est, ces difficultés ne sont finalement pas si éloignées de celles que connaissent nos pays, même si cela se pose sans doute dans une proportion moindre. Pas la peine donc de trembler à la seule évocation de l'Afrique du Sud ou de Johannesburg, en se laissant prendre aux sirènes des médias français faisant leurs gros titres sur le business des sociétés de sécurité, etc. En ce qui nous concerne, pendant ces 5 semaines dans « l'un des pays dont la criminalité est le plus forte », le plus grave qu'il nous soit arrivé (bien que nous ayions emprunté les transports en commun, marché, et même fait du stop...) a été une « tick-bite fever » (infection à cause d'une piqûre de tique) pour Amélie. Mieux vaut donc venir se rendre compte sur place, et voir tout ce que le pays a par ailleurs la chance d'avoir à offrir !

 

Petit aperçu, par le biais de nos deux paires d'yeux – qui, par la force des choses (temps et budget limités) ont laissé de côté bien d'autres choses à découvrir !

 

4 jours dans la Hluhluwe Game Reserve – parc animalier au Nord Est du pays. 4 jours à marcher dans le bush, sa poussière brune, ses odeurs d'herbe sèche, sur les traces des Big Five (lion, éléphant, léopard, rhinocéros, buffle). A tenter de reconnaître les empreintes plus ou moins fraîches de toutes ces charmantes bestioles. A écouter le feulement des lions en pleine nuit, tuant un buffle à moins d'un kilomètre. A retenir notre souffle (même protégés par deux rangers avec fusils, on se sent vulnérable...) en admirant lions et rhinocéros blancs à moins de 30 mètres. A observer depuis la falaise le manège des impalas, girafes, kudus, éléphants, zèbres et autres oiseaux en contrebas...

 

Calme reposant et vivifiant des majestueuses montagnes du Drakensberg. Balades de montagne au milieu des lacs, sous l'œil tranquille des vaches locales. Excursion au Lesotho (mais si, vous savez, ce petit pays coincé au milieu de l'Afrique du Sud, surnommé « le royaume dans les nuages » car s'étendant sur un plateau à plus de 2000 mètres) par le légendaire Sani Pass et ses 27 abrupts lacets accessibles seulement à pied ou en 4x4... Soirées sympathiques près du feu, dans la salle commune du Backpackers, faites de rencontres de toutes sortes de voyageurs, jeunes, moins jeunes, de toutes nationalités...

 

Bastille Day à Franschoek, le week-end le plus proche du 14 juillet. Franschoek signifie en Afrikaner « le coin des Français ». Et pour cause : l'Afrique du Sud compte un certain nombre de descendants hexagonaux – dont les ancêtres huguenots fuirent les guerres de religion en France, se réfugièrent en Hollande et finirent ici, dans la région du Cap, à cultiver du vin. Qui est plutôt bon, d'ailleurs ! Et en ce Bastille Day, l'occasion est donnée de goûter aux différents crus, puisqu'est organisée une séance de dégustation géante sous un grand chapiteau, avec force bérets et drapeaux bleu / blanc / rouge... Ambiance sympathique bien qu'un peu artificielle dans cette petite ville elle-même artificielle. On termine pompettes, cela va sans dire, puisqu'ici dégustation n'implique pas de recracher le vin – et que l'entrée donne droit à 5 (petits) verres...

 

Une nuit dans un hôtel 5 étoiles à Stellenbosch. Invitation par le propriétaire, oui monsieur, oui madame. Totalement imprévu, totalement apprécié... Voilà le genre de choses que le voyage rend possibles ! Et découverte au passage de la ville, dans une vallée viticole proche de Franschoek. Passés la veille dans deux townships avec l'un des projets que nous avons rencontrés, nous remarquons la différence avec le centre ville coquet, propret – et blanc...

 

Gastronomie locale... A la fois classique et inventive, rarement décevante. A noter, le braai (barbecue) est tout un art ici. On s'en rend compte au vu des trousses d'ustensiles fièrement arborées, genre trousse de secours ou trousse à couture en taille x10... sauf qu'il y a là-dedans 2 ou 3 broches, des pinces, des couteaux, … Il faut dire que la viande rouge et les saucisses sont particulièrement bonnes. Il y a aussi le biltong, petits morceaux de viande séchée (boeuf, diverses antilopes, autruche) à grignoter, put être très gouteux également. Et puis également, sous l'influence anglaise, on trouve partout d'excellents muffins, carrot cakes et autres délices. Quant au vin, les cépages sont assez peu variés (merlot, chardonnay, sauvignon blanc, cabernet sauvignon, pinot noir, shiraz le plus souvent) – mais n'ont pas grand chose à envier aux crus français...

 

Et puis les ambiances urbaines (cf. notre précédent billet). Chacune des grandes villes que nous avons traversées a sa propre âme, ses propres ambiances, de Cape Town l'Européenne à Johannesburg, cosmopolite et toujours en mouvement...

 

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mar.

20

juil.

2010

Back to Namibia

[Tape sur un clavier QWERTY sud-africain, desoles pour les accents... Photos a venir - il faut qu'on fasse une selection...]

 

Nous sommes restes trois semaines en Namibie. Un peu moins que ce que nous avions souhaite au depart, notamment parce que plusieurs de nos projets n’ont pas pu se realiser faute de vehicule (passer du temps dans un village, ou quelques jours dans une ferme). Pas facile d’atteindre les zones rurales, tres peu desservies par les (rares) transports en commun. Que l’on a testes, en partie : le train (Transnamibia) est une experience memorable en soi… Tres abordable, permettant de ne pas “perdre de temps” puisque la plupart des trajets se font de nuit… En revanche, confort minimal (sans que l’on puisse voir une reelle difference entre 1ere et 2eme classe) : pas de couchettes, diffusion de film jusque 23.00 au maximum du volume… Et pour peu que vous heritiez de voisins indelicats braillant et mangeant des chips avec force froissements du paquet au milieu de la nuit, nous vous garantissons une nuit sans sommeil.

 

En dehors des villes, assez bien reliees au reste du pays, il n’existe pas vraiment de villages tels qu’on les connait en Europe, sauf au Nord du pays (zone la plus densement peuplee). Dans les zones desertiques, qui recouvrent la majorite du pays, on trouve plutot des habitations, parfois regroupees par deux ou trois, des fermes ou des lodges, espaces de plusieurs kilometres. En Namibie, on est presque toujours au milieu de rien…

 

Pays des grands espaces donc, proximite avec la nature. Comme un peu partout dans les pays que nous avons traverses, d’ailleurs, ou la nature n’est jamais tres loin meme en ville (a part dans les capitales). La partie itinerante de cette aventure a donc ete l’occasion pour nous de nous ressourcer… Nous en sommes arrives a apprecier pleinement les douches en plein air, pour la sensation si agreable au final d’etre tout nu en plein air, entoure par la campagne environnante, deux ou trois oiseaux moqueurs vous jaugeant depuis l’arbre voisin…

 

Bref, tout cela pour dire que la nature fait partie des arguments de vente de la Namibie dans les brochures touristiques. Et il est vrai que l’on en a eu a revendre.

 

Tout d’abord au Nord, vers les Victoria Falls et la bande de Caprivi. Prenez une carte de la Namibie : vous voyez cette bande de terre au Nord du pays (450 kms de long, 30 de large), qui file droit vers le Zimbabwe en longeant les frontiers angolaise, zimbabweene et zambienne ? C’est ca, la bande de Caprivi. Temoignage d’une epoque ou les frontieres etaient taillees au cordeau par des puissances coloniales avides d’asseoir leur pouvoir. En l’occurrence, les Allemands negocierent avec les Anglais, en echange de l’abandon de leurs interets a Zanzibar, l’inclusion de cette bande de terre dans le territoire namibien. Ce qui leur permettait d’atteindre le fleuve Zambeze… et de resoudre le probleme de l’acces a leurs autres possessions, “malheureusement” situees en Afrique de l’Est (ex Tanganyka, aujourd’hui les Etats du Rwanda, du Burundi et de la Tanzanie…).

 

Au Nord donc, nous sommes alles voir les chutes Victoria. Pas donne l’expedition, les Zambiens se plaisant a taxer pour tout et n’importe quoi (ils ont trouve le filon : une taxe “empreinte carbone” ! Un peu ironique dans des pays ou la protection de l’environnement est le cadet des soucis… mais bon) et a faire payer des visas hors de prix. Mais le jeu en vaut la chandelle : les chutes sont vraiment impressionnantes (9100 m3 d’eau par seconde pendant la saison des pluies). Panel de sensations : grondement de cette incroyable masse d’eau en tombant au fond du precipice (plus de 100 metres de haut), nuage de goutelettes qui remonte d’en-bas et vous trempe en un temps record,… Un regret : ne pas avoir profite de l’occasion pour admirer aussi le cote zimbabween, plus lointain et panoramique (mais nous n’avions plus de dollars US et les amis qui nous accompagnaient ne souhaitaient pas traverser la frontiere).

 

Ce fut egalement notre initiation avec les parcs animaliers et reserves, au sein de la Mahango reserve (pres de la frontiere avec le Botswana) et du Mudumu National Park. A vrai dire, nous avions déjà pu voir quelques bestioles le long des routes – eh oui, en Namibie, on prend sa voiture et on croise des singes, des antilopes, des girafes, ou des hyenes (moins sympa mais plus rare). Ashok, notre hote couchsurfer, nous a permis de completer un peu le bestiaire (cf. les photos). On n’a pas trop aime la balade en camion-touristes-safaris avec guide ; c’etait plus rigolo rien qu’entre nous en voiture (pas un 4x4 : le bas de caisse a parfois un peu racle le sol…) : on se prend au jeu, finalement... Mais le meilleur reste a venir puisque nous avons, folie de ce voyage, reserve une marche de 4 jours en pleine brousse dans un parc sud-africain – avec rangers armes (courageux mais pas temeraires…).

 

En fait, nous avons deja eu notre lot de frayeurs animalesque. Nuit en camping, a cote du lit d’une riviere (assechee a cette époque de l’annee), bordes par des bosquets protecteurs. 3 heures du matin : des bruits bizarres commencent a se faire entendre : branches d’arbres cassees par dizaines. Ca dure un moment. On a bien notre petite idée mais pas moyen de verifier : en camping, quand des bêtes sauvages passent dans les parages, il faut faire le mort dans sa tente, aussi silencieusement que possible. On n’en mene pas large, au fond de notre petite tente fragile, on n’ose meme plus bouger dans nos sacs de couchage en plume pas tres discrets… Plus tard dans la nuit, les bruits reprennent, encore plus inquietants : de la ferraille qui se tord, des trucs metalliques qui tombent. Gloups : la voiture de location… C’est seulement au lever du soleil que cela se calme. Les chiens de nos voisins sud-africains commencent a s’enerver : un peu tard, eux aussi ont fait les morts au plus pres du danger ! On sort prudemment de notre tente… et les traces au sol confirment notre intuition : une famille d’elephants, 2, peut-etre 3, sont venus nous rendre visite. Ils sont passes a 4 metres de la tente, qu’ils ont consciemment evitee. Et ils ont tout casse dans la “salle de bains” et les WC rustiques du camping : renverse le reservoir d’eau, arrache les tuyaux, defonce la cloture… Tout ca pour aller s’abreuver ! La voiture de location, elle, est encore entiere, ouf. Nous decidons d’aller voir dans le lit de la riviere s’ils sont encore la… Des barrissements nous indiquent que oui. Quelques minutes plus tard, nous les voyons traverser paisiblement, a quelques centaines de metres, papa, maman et petit…

 

Nous avons aussi pas mal sillonne le centre du pays. En voiture, que nous avons du nous resoudre a louer pour pouvoir sortir des itineraires couverts par les transports en commun. Pendant ces 7 jours, pas mal de kilometres au compteur (500 kilometres pour un Namibien, c’est comme Amiens-Paris pour nous…), et des paysages magnifiques, de desert en desert…

Dunes de Sossusvlei, dont certaines sont aussi hautes que la Tour Eiffel (300 m de haut, les plus grandes du monde) – et comme le dit une de nos amies couchsurfeuse, c’est “quite challenging” a grimper… Mais la magie de voir le lever du soleil dans cet environnement le merite bien.

Desert du Namib, et son centre de recherche Gobabeb perdu au milieu de rien, ou les etoiles sont plus lumineuses et la nuit plus pure que n’importe ou ailleurs… Et les Naukluft Moutains surgissant d’un seul coup, leurs babouins, leurs zebres de montagne (et leur itineraire de randonnee sur lequel on a bien galere…).

Desert de la Skeleton Coast, son brouillard epais, sa colonie de phoques (puante mais marrante), sa capitale Henties bay, ville de pecheurs un peu fantome aux patronnes de camping germaniques malaimables et alcolos…

Brandberg moutains, Spitzkoppe, leurs sommets offerts aux alpinistes chevronnes (i.e.: pas nous !) et leurs peintures rupestres vieilles pour certaines de 5000 ans…

 

En dehors du desert, la Namibie compte aussi, evidemment, quelques villes. La plupart sont plutot de grosses bourgades residentielles (ce qui ne veut pas necessairement dire “bourgoieses”, loin de la) traversees par une rue principale, de part et d’autre de laquelle on retrouve les memes enseignes. Dans certaines d’entre elles, on retrouve de maniere caracteristique l’influence allemande, notamment a Swakopmund, ville cotiere a l’architecture assez connotee (dans le centre a tout le moins). On y trouve le Treffpunkt Café, on peut y deguster des Apfel strudel… Les noms de rue sonnent aussi germanique, et les drapeaux allemands flottaient sur les voitures pendant la Coupe du monde (enfin, jusqu’aux demi-finales, eheh). D’une maniere generale, les souvenirs de la colonisation allemande abondent partout ; a Windhoek aussi, entre la Mozart Strasse, les Buchhandlung, la langue Afrikaner dont l’on peut saisir quelques mots si l’on est germanophone…

 

Certains considerent que la France a eu la pire des politiques colonialistes. Loin de nous l’idee de rentrer dans ce jeu de classement entre les colonisateurs europeens… Rappelons simplement que les Allemands, debarques en Namibie (alors appelee Sud-Ouest africain) en 1884, rencontrerent dans leur avancee une forte resistance de la part des peuples autochtones, notamment les Nama (Hendrick Witbooi) et les Herero (Samuel Maherero). Ce qui conduisit a une lutte armee extremement violente – et a ce qu’on appelle aujourd’hui le genocide des Herero, victimes d’abord de massacres puis, pour les survivants, de mauvais traitements dans des camps de concentration. De 80 000 Herero avant la colonisation, on est passé a 15 000 en 1910… Ce n’est qu’au lendemain de la premiere guerre mondiale que les Allemands seront contraints de renoncer a leurs possessions (Traite de Versailles) ; de nombreux colons allemands resent cependant sur place. La Namibie est placee sous mandat d’administration sud-africain… Et c’est le debut de la recolonisation : l’Afrique du Sud annexe progressivement le pays, jusqu’a en faire sa 5eme province et a y appliquer le regime d’apartheid.

 

A partir de 1945, la revolte contre la presence sud-africaine prend forme dans le pays, menee notamment par un chef traditionnel herero, Hosea Kutako, qui porte la voix de la Namibie devant les Nations-Unies. Des mouvements de resistance sont crees, dont les principaux sont la SWANU (majoritairement herero) et la SWAPO (mouvement secessioniste ovambo). La communaute internationale se mele du conflit, plusieurs resolutions de l’assemblee generale de l’ONU condamnant l’attitude sud-africaine des les annees 1960 (revocation du mandat, objectif d’independence de la Namibie – “resolution 435”). Ce n’est pourtant qu’en 1990, au terme d’un long processus, que le pays entrera vraiment dans la communaute internationale, après la redaction d’une constitution et les premieres elections presidentielles portant Sam Nujoma (SWAPO) a la tete de l’Etat. La Namibie est ainsi le dernier Etat africain a avoir obtenu son independance… Jeune Etat donc, qui a faire face a un certain nombre de challenges (cf. notre billet precedent). Rendez-vous dans 10 ans...

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lun.

14

juin

2010

Balade à Atakpamé, Togo

Pendant notre séjour à Atakpamé, Claude nous a emmenés en découvrir le cœur.

 

Départ depuis la maison de maman Agnès, un peu excentrée ; on marche 5 à 10 minutes le long d'une route de terre pour rejoindre le goudron. Quartier résidentiel, aéré, route bordée de maisons familiales. Les enfants du quartier sortent des cours à notre approche, chantant les paroles auxquelles nous avons appris à nous habituer : « Yovo yovo bonsoir, ça va bien, mer-ci! ».

 

Au bord du goudron, négociation avec les zems qui nous emmèneront dans le centre ; Claude a du mal à obtenir le bon tarif – les conducteurs veulent plus d'argent puisque ce sont les Blancs qui paient. C'est le jeu, même si c'est frustrant... Court trajet vers le marché ; discussion avec le zem : « alors vous avez vu, la route principale d'Atakpamé est gâtée, alors c'est bien que vous soyiez là, vous pouvez vous rendre compte de notre misère, ici c'est la galère pour tout le monde... il faut nous aider ! Et puis de toutes façons je ne vais pas rester là, chez vous c'est mieux, moi je veux aller là-bas... ». Que répondre à tout cela ? On essaie de démythifier l'Europe (qui fait l'objet, tout comme l'Afrique en Europe, de nombreux préjugés), d'expliquer que ce n'est pas si simple que cela d'y vivre, surtout en tant qu'immigrant. De dire aussi que la solution pour le développement du pays n'est sans doute pas de le quitter... Mais quelle légitimité avons-nous, nous qui venons de là-bas et y retournerons ?

 

Le marché s'étend autour d'une des rues principales, un peu pentue, de la ville. C'est, comme d'habitude sur les marchés africains, un mélange d'un peu tout et n'importe quoi : fruits, légumes et épices regroupés par petits tas de différentes tailles (et différents prix) sur une table en bois ; boutique une peu plus sophistiquées vendant tout, des piles (on a testé, celles à 200 FCFA les 4 ne marchent pas dans notre appareil photo capricieux– faut dire que pour ce prix là, on pouvait toujours espérer) aux cahiers, en passant par les sardines en boîte, les bonbonnes de gaz, le savon... Lorsqu'elles sont encore un peu plus importantes, il arrive qu'elles soient tenues par des Indiens. Le tout au milieu de la circulation, quelques voitures, pas mal de zems, des vélos – dont ceux des vendeurs de Fan Milk, ces glaces à l'eau ou au lait très populaires dans le pays.

 

On grimpe la colline d'abord par une rue pavée assez large, sous le ciel gris – c'est la saison des pluies, il est rare que le ciel reste bleu toute la journée. L'air est lourd et très vite, nous dégoulinons. Nous saluons au passage les commerçants et les gens qui, tout simplement, sont assis devant leurs maisons ; les regards et visages s'éclairent alors d'un large sourire, permettant parfois un début de conversation ; d'où venons-nous, comment trouvons-nous l'endroit, combien de temps restons-nous, sommes-nous frère et sœur ? Quand nous répondons à cette dernière question que non, nous sommes un couple, immanquablement on nous dit que nous sommes un « très joli couple » (un sud-africain passablement ivre rencontré au Ghana nous a quant a lui qualifié de « fucking lovely French people » !) et on nous souhaite beaucoup de bonheur, de mariage, d'enfants... La balade reprend ensuite ; on traverse une zone plus pentue que la route contourne, les maisons sont plus proches, plus pauvres aussi, le chemin en latérite monte dru. Quelques épis de maïs sont plantés à un endroit où il s'élargit – il faut profiter de tout terrain disponible... Les gens vaquant à leurs occupations : une femme lave le linge, deux vieux palabrent et s'interrompent pour saluer Claude, un groupe d'enfants observe, très intéressé, ce qui se passe à l'intérieur de l'enclos d'un cochon. Nous continuons à grimper pour arriver à l'antenne qui se dresse au sommet de la colline : Claude veut nous montrer le panorama sur la ville. Nous saluons l'employé de la sécurité...

 

Et là, c'est le drame : le monsieur commence à nous chercher des noises :  « vous ne pouvez pas venir sur le site car vous êtes des étrangers, vous devriez demander une autorisation, avoir vos passeports, et toi (Claude) tu devrais avoir ta carte d'identité sur toi car en tant qu'autochtone tu es responsable d'eux, tu aurais dû savoir avant de venir que ce n'était pas autorisé comme ça », etc etc, pendant 10 minutes. Quand on répond que tant pis, on voulait juste voir la vue mais que si ce n'est pas possible, nous allons partir, le type se radoucit et nous dit « Non, vous pouvez tout de même aller jeter un coup d'œil, c'est juste derrière ». Bon, voilà autre chose. Nous y allons donc, et c'est vrai que la vue est jolie, la ville s'étend à flancs de colline, toits de tôle pointus et rouillés au milieu de la végétation luxuriante. Après quelques minutes, nous repartons ; et comprenons d'un seul coup l'attitude du type de la sécurité qui, sur nos talons, nous souhaite bonne route et ajoute « Et pour la bière ? ». On lui répond que ce n'était pas prévu, la bière, et on part sans demander notre reste. Tout ce cinéma, c'était donc pour ça. Exemple typique d'une forme de petite corruption, quasi insignifiante (quand bien même nous aurions payé une bière), mais bien présente partout et symptomatique...

 

Retour vers le marché en passant par la route cette fois. En repassant au marché par de petits passages tortueux dans lesquels l'on peine à se croiser, on en profite pour acheter de quoi goûter : Fan Milk aux fruits tropicaux et bananes (délicieuses). On grimpe l'autre versant de la colline, toujours accompagnés par les salutations des personnes que l'on croise. Quelques belles maisons, le quartier et plus chic. On débouche sur un des lycées privés de la ville, catholique. Des jeunes jouent au foot ; l'un des pères du lycée nous salue, on échange quelques minutes, conversation sympathique. Il parle de la nécessité pour les hommes de s'inspirer du modèle social des fourmis, entraide, solidarité, partage : si elles réussissent à le faire, pourquoi pas nous ? Sur cette conclusion philosophique, nous prenons le chemin du retour...

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jeu.

22

avril

2010

Burkina -suite-

Dimanche 18 avril.

Calfeutrés sous notre voûte, portes et volets clos, nous soufflons un peu. Voûte ? Oui oui, vous avez bien lu. Depuis hier soir (dimanche), nous sommes à Boromo, petite ville tranquille du Burkina, où l'association AVN (association voûte nubienne) a ses locaux. La voûte nubienne, on en avait déjà parlé un peu ici. On a eu la chance de tester la construction : ici à Boromo, un campement est construit suivant cette technique tout en terre (pas de bois pour la structure). Et pendant la journée, c'est une évidence : la construction est adaptée aux chaleurs sub-sahariennes, puisque l'on perd plusieurs degrés entre intérieur et extérieur, même à l'ombre. Appréciable lorsque, comme en ce moment, il fait plus de 45 degrés...

 

Au-delà, nous avons pu discuter ce matin du projet avec les membres de l'association. Nous allons essayer de mettre en ligne, au fur et à mesure, les présentations des projets que nous avons découverts... Mais nous manquons furieusement de temps pour tout faire !

 

Revenons sur notre périple. Nous nous étions quittés alors que nous étions encore à Bobo, au terme de notre 1re journée là-bas. Le deuxième jour, Thomas a fait 2 interventions d'une demi-heure dans des classes de CM2 (Serge Bernard, le fils de Bernadette qui nous a accueillis, assure la gestion d'une école privée créée par son père) sur le thème du changement climatique. Autant profiter de notre présence pour faire passer des messages ! Les enfants étaient manifestement intéressés, l'une des 2 classes particulièrement réceptive. On essaiera de renouveler l'expérience si on en a l'occasion...

 

Nous avions également rendu visite au GAFREH (groupement des association féminines pour le renouveau économique du Houët – le Houët étant la région autour de Bobo), autre association locale que nous avions ciblée pour son projet de recyclage de sacs plastiques qui tout à la fois réduit (à son échelle) la pollution endémique provoquée par les sachets, et assure une source de revenus à des femmes qui n'en ont pas ou peu – notamment des jeunes filles mères.

 

Nous nous étions enfin tranquillement baladés dans le quartier de l'ancienne mosquée, proche du coeur historique de Bobo (que nous n'avons en revanche pas visité car l'accès au quartier ancien était payant)... Coin paisible : discussions avec l'association des guides dont certains sont musiciens et ont monté un groupe – ils nous ont invité à écouter l'album... que nous avons finalement acheté !-. Puis découverte, au hasard, d'une autre initiative ayant pour effet de recycler du plastique (même si ce n'est pas l'objet recherché) : fabrication, à partir des sangles plastiques utilisées pour sécuriser les cartons de transport, de paniers très solides utilisés notamment par les vendeurs de poisson au Mali... Nous avions discuté sur le chemin du retour avec des jeunes qui nous avaient invité à boire le thé, de notre périple, de leurs études, de la passion de l'un pour le football... Les « docteurs des voitures » du quartier nous avaient à leur tour invité le lendemain, juste avant notre départ. Discussion plus politique à l'ombre du manguier. L'un se hasarde à parler de « dictature » à propos de son pays. Un autre le reprend immédiatement, « on ne peut pas tout à fait dire cela »... Ils nous font écouter le discours de Sankara, leur ancien président, sur la dette. C'était il y a plus de 30 ans, c'est toujours aussi actuel...

 

De Bobo-Dioulasso, la « maison des Dioulas et des Bobos » (son ancien nom – celui-ci lui a apparemment été donné par le colonisateur français - est Sya), nous gardons l'image d'une ville tranquille, verte, loin de la pollution et de l'anarchie de Bamako, aux taxis honnêtes (!), aux habitants souriants, curieux, accueillants – comme souvent en Afrique de l'Ouest, du moins dans les zones que nous avons traversées.

 

Puis nous avons quitté Bobo, après avoir subi l'épreuve de la bousculade-géante-pour-rentrer-dans-le-bus-par-45-degrés, direction Gaoua, au sud, en pays lobi, entre Côte d'Ivoire et Ghana. Là-bas, nous avons été accueillis par Kader, artiste de son état, qui a créé un campement ; celui-ci n'étant pas fonctionnel, il nous a proposé de dormir dans la tente montée devant chez lui... Proposition acceptée. Nous avons donc pendant 2 jours et demi partagé le quotidien d'une famille pour laquelle il n'est pas toujours facile de nouer les 2 bouts. Kader a été extrêmement attentionné avec nous et nous a montré sa région sans rien nous demander. Il nous a énormément appris sur la culture lobi, on a beaucoup parlé avec lui : des différences culturelles entre la France et le Burkina ; du secteur de l'orpaillage qui se développe de manière pas très nette dans la région de Gaoua ; des lobis, des lobis et encore des lobis ; de l'art et de la difficulté d'être un artiste ici... Nous avons rencontré comme prévu – puisque c'était pour cela que nous étions venus – l'association pour la promotion féminine de Gaoua (APFG – vous trouverez le compte-rendu de notre visite ici), dont fait partie la femme de Kader, Evelyne. Encore une initiative locale remarquable. Comme quoi, si l'Afrique noire est mal partie, comme dirait l'autre, il y a aussi plein de gens qui la font avancer, avec des idées, des compétences, de la persévérance...

 

Kader nous a aussi emmené voir une orpailleuse traditionnelle – c'était notre second point d'intérêt, car au-delà des projets, cela nous intéresse de découvrir la façon dont les gens vivent et donc, les métiers qu'ils exercent. Angéline vit dans un petit village et travaille 4 jours sur 5 à l'extraction de l'or. Le cinquième jour, si l'activité a été bonne, elle va vendre son or au marché de Doudou qui a lieu tous les 5 jours. Le travail consiste à creuser d'abord un puits, car il faut de l'eau pour rincer la terre ; ensuite un trou, lequel peut s'agrandir en galerie si la terre contient suffisamment de paillettes d'or. La terre est rincée à l'eau dans une calebasse plusieurs fois, jusqu'à ne plus contenir que le plus lourd : l'or. Des paillettes minuscules, qu'elle ne trouve pas à chaque fois ; il faut alors recommencer. Le travail est rude, physique, comme en attestent les bras musclés d'Angéline. Elle réussit à vivre de son activité, à nourrir ses enfants – le papa est en Côte d'Ivoire. Mais pas d'achats de loisirs ou de petits plaisirs... La vie pourrait être un peu plus facile si, comme elle le dit, elle et ses consœurs ne se faisaient pas exploiter par les acheteurs. Seuls les acheteurs agréés par l'Etat ont le droit d'acheter l'or et, apparemment, ils profitent de la faiblesse de ces femmes, analphabètes, pour les arnaquer par diverses techniques. Nous n'avons pas pu vérifier ni l'existence de cette fraude, ni son ampleur – mais si cela est vrai, c'est un vrai scandale...

 

Kader nous a également montré les métiers traditionnels de la région :

  • poterie : fascinante dextérité de la potière qui, en 10 minutes et en utilisant des objets simples (bouts de plastique, morceaux de pagne, morceau de terre cuite pour faire tourner la poterie en cours de réalisation), fabrique un joli vase rond... les potières se sont regroupées en association pour l'utilisation d'un four commun en terre cuite qui évite la technique de cuisson traditionnelle que nous avions croisée au Mali (des branches sont empilées au dessus des poteries crues et enflammées), laquelle contribue beaucoup à la déforestation ;

  • vannerie : multitude de paniers, corbeilles, dessous de table en osier tressé, formes traditionnelles réinventées en utilisant pour colorer l'objet les sachets plastiques... l'activité est, encore une fois, réservée aux femmes ;

  • sculpture : cette fois, seuls les hommes la pratiquent ; il s'agit d'une sculpture d'artisanat davantage que d'art – les hommes reproduisent des objets millénaires (tabourets à trois pieds qui leur sont réservés ; cannes ; portes-clés, …) avec, là encore, un incroyable savoir faire.

 

Nous sommes bien accueillis dans les différents villages (chacun a sa spécialité), même si l'échange est plus artificiel qu'avec Angéline l'orpailleuse : dès notre arrivée, les enfants sortent tous les modèles possibles et imaginables, pensant que nous allons acheter quelque chose... Et nous nous retrouvons dans une situation fort gênante puisque nous ne pouvons pas acheter (pas de place dans les bagages, pas de budget pour acheter quelque chose dans tous les endroits où nous passons). C'est le revers de la médaille...

 

Nous retrouvons certains des artisans le dimanche, au marché de Gaoua. Ils ont fait 10 à 15 kilomètres à pied, sous un soleil de plomb portant leurs œuvres sur leur tête dans des bassines ou calebasses, pour venir les vendre – et en vivre...

 

Nous ne pouvons nous empêcher de penser que cette production artisane qui est vendue si peu chère ici, se vendrait quelques dizaines voire centaines de fois plus cher en Europe. Nous parlons de commerce équitable à Kader, qui est également président d'une jeune association regroupant artistes et artisans de la localité. C'est une piste, mais tout est à construire.

 

Le dimanche après-midi sonne l'heure du départ pour Boromo. Plein de souvenirs et d'amitié en tête, espérant pouvoir rendre la pareille à Kader lorsqu'il viendra en France, nous prenons le bus, une fois de plus.

 

A Boromo, en plus de la voute nubienne, nous avons l'occasion de rencontrer les artistes de la troupe « les grandes personnes (d'Afrique) », qui produisent des marionnettes géantes et les spectacles qui vont avec. Les prestations se font autant ici au Burkina que dans la sous-région ou en France (d'ailleurs les Grandes Personnes travaillent étroitement avec la troupe basée à Aubervilliers). Les spectacles sont aussi l'occasion de faire de la sensibilisation et de la prévention sur divers thématiques. La vingtaine d'artistes de la troupe ne vit pas de l'activité, et chacun mène son petit business pour vivre. Obtenir des contrats localement pour la production de spectacles, bien que cela arrive, reste rare et difficile. Malgré tout, il est magique de voir sortir de « nul part » une telle créativité et un tel dynamisme original.

 

 

 

Mercredi 21 avril.

Nous avons quitté Boromo mardi pour Koudougou, troisième ville du pays. Arrivée assez peu agréable dans la chaleur ; un taxi-man particulièrement malhonnête (même si on sait se défendre). Nous ne visiterons finalement pas la ferme de spiruline (pour en savoir plus, voir par exemple un très intéressant reportage ici) dont nous avions découvert l'existence la veille, faute de moyens de transports.

 

En revanche, ce matin, mercredi, nous avons pu visiter la Cité des Arts, projet pour lequel nous avions décidé de passer par Koudougou avant Ouagadougou. La Cité des Arts est rassemble des artistes, regroupés par ateliers dans divers domaines : batik, peinture, bijoux, bronze, orchestre et danse traditionnelle... Chaque artiste est rémunéré en fonction des ventes de son atelier, moyennant une contribution commune pour la structure. Compte-rendu plus détaillé (probablement) à venir ;).

 

Finalement, nous avons quitté Koudougou pour Ouagadougou, après avoir sympathisé avec un des artistes de la Cité -Ousséni, sculpteur de bronze), dont la gentillesse n'a d'égal que le talent.

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jeu.

15

avril

2010

Bobo Dioulasso

Entre 2 rendez-vous, nous écrivons depuis la cour de Bernadette, la tante de notre ami Kalifa qui nous accueille pour notre séjour à Bobo-Dioulasso, capitale économique du Burkina Faso. Sur la terrasse, à l'abri de la tôle – car, incroyable mais vrai, il pleut ! Une petite pluie bienvenue, qui rafraîchit l'atmosphère en complément du gros orage bien venteux qui a traversé la ville hier soir. Un peu de répit avant la fournaise de Ouaga (paraît-il...).

 

Nous voilà donc au Burkina. Passage de frontière, avant-hier, sans encombre – bien que nous ayions attendu le car pendant 4 heures au départ, à Koutiala. Arrivée de nuit, nous sommes accueillis par Bernadette et son fils Serge Bernard (que nous appellerons Bernard pour la suite – vous aurez deviné aux prénoms que nous sommes dans une famille catholique, religion beaucoup plus présente qu'au Mali), qui eux aussi font tout pour nous : ils sont venus nous chercher à la gare routière, Bernadette a préparé notre dîner, une chambre nous attend... Voilà de quoi remonter notre motivation, un peu en berne notamment en raison de la chaleur, écrasante depuis notre retour, et que nous supportons vraiment difficilement. On rêve de piscines, de banquise...

 

Hier, nous avons pris contact avec la ville. Larges rues et avenues, pas mal d'arbres : manguiers, flamboyants, taxis verts (et non jaunes comme à Bamako), atmosphère tranquille, moins de circulation (et de motos chinoises) qu'à Bamako, peu de boubous – surtout chez les hommes : chez les femmes, le basin est rare, la cotonnade est plus présente : effet Sankara, plus de 30 ans après (cf notre article) ? Les gens dans les rues sont très sympas, nous saluent et nous invitent à prendre le thé comme au Mali. Ici on parle le dioula, très proche du bambara, on peut donc encore échanger quelques mots en langue locale – on en profite, ça ne va plus durer très longtemps...

 

Nous avions programmé la visite du musée de la musique et une balade dans le quartier des artisans pour cette première journée. Rien de trop fatigant ! Seul hic, personne dans la ville ne connaît le « quartier des artisans »... La balade sera donc remplacée par une visite de la ville en voiture avec Bernard qui nous en montre les principaux points névralgiques : bâtiments administratifs importants, marché, gare, ancienne mosquée…

 

Nous en profitons pour jeter un œil au musée provincial du Houët : expo temporaire autour des lauréats de la semaine de la culture 2008 (statues, batiks, art composite), expo permanente sur les valeurs et traditions burkinabées. Une salle par expo. Les statues lauréates du concours sont assez belles, traitant de différents thèmes (la famille, le rôle de la femme, l'excision, …). Malheureusement nous ne pourrons pas vous les montrer car les photographies étaient interdites. L'expo permanente met en scène des objets relatifs aux rites : par exemple, pour le mariage, les paniers de mariage offerts à la jeune épouse, contenant tout ce qu'il faut pour la bonne gestion du ménage (!)... Les valeurs de la société burkinabée et notamment l'intégrité (« Burkina Faso » = pays des hommes intègres) sont également détaillées ; toutefois, le panneau concluant l'exposition souligne que l'intégrité ainsi que l'amour du travail sont quelque peu en perdition à l'heure actuelle, notamment dans la gestion des affaires publiques... No comment. Ça n'est pas inintéressant mais le guide va un peu vite, on n'a pas le temps de profiter pleinement des explications écrites par ailleurs affichées. A la sortie du musée, reconstitution de 2 habitats traditionnels : maison en argile rouge bobo et case peuhle. Nous vous joignons quelques images / explications.

 

Le matin, nous avons visité le musée de la musique (si cela vous intéresse, vous pouvez en savoir plus ici). Et c'était vraiment intéressant. Le musée est géré par une association, l'Association pour la sauvegarde du patrimoine artistique et culturel, qui cherche à faire connaître ce patrimoine aux populations locales – qui, le plus souvent, en sont en grande partie ignorantes. Ainsi de notre ami Bernard, qui explique apprendre beaucoup dans ce musée où il vient pour la 1ère fois. La stratégie de l'association est de passer par les enfants, qui peuvent ensuite parler de leurs découvertes en famille et parfois, font revenir la famille au grand complet au musée. Cela est apparemment plus efficace que de viser les adultes qui ne s'intéressent pas vraiment à ce genre de sujets. Pour cela, appuyée par la coopération française, l'ASPAC a développé un livret pédagogique bien conçu à l'intention des classes de CM : jeu de piste, questions réponses, pratique de certains instruments... Une initiative remarquable dans un pays où, comme chez ses voisins, la culture n'est franchement pas une priorité et où les habitants, par rejet, ignorance ou indifférence, oublient ou se détournent souvent de ce patrimoine, pourtant si riche.

 

Après un dîner sympathique pris en compagnie d'un couple ivoirien venu rendre visite à Bernadette, et qui évoque les problèmes de leur pays mais aussi de la RDC (où le mari, qui travaille pour MSF, vient de passer un an), nous nous rendons chez Bernard qui nous a proposé de passer la fin de soirée en sa compagnie et de nous faire sortir en ville. D'abord, un peu de scrabble en attendant minuit, l'heure à laquelle les gens d'ici commencent à sortir: Bernard est féru de ce jeu qu'il pratique quotidiennement avec un ami avec leurs propres règles. Deux parties, l'une l'opposant Amélie, l'autre à son partenaire habituel. Atmosphère un peu irréaliste, scrabble par grand vent sous la nuit africaine, à la lumière du néon et au son de balades de Cabrel... Et on apprend de nouveaux mots : okas, ur, … On vous laisse le soin de chercher la définition dans le dictionnaire !

 

Vers minuit donc, nous sortons. Direction l'Entente, lieu de détente de la jeunesse de Bobo. C'est un maquis traditionnel : piste de danse centrale, sous une paillote, entourée par les tables et les chaises en plein air. Bêtement, nous commandons des Flag – au lieu de goûter la bière du cru. On espère avoir l'occasion de se rattraper... Bonne ambiance, musique africaine moderne, les couples dansent collé serré pendant les slows, se séparent le restent du temps. La danse nous semble plus conventionnelle, moins expressive que dans les balani (fêtes de quartier) que nous avons vus au Mali. Bernard insiste pour nous offrir une 2ème bière. L'effet de la 1re se faisant déjà un peu sentir, nous acceptons seulement de partager la 2ème... Et rentrons vers une heure et demi du matin, fatigués mais heureux de cette première journée en territoire burkinabé.

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mar.

23

févr.

2010

Quoi de neuf à Bamako ?

Le blog est resté silencieux pendant quelques jours. Nous nous sommes un peu rattrapés par quelques billets… Mais quoi de neuf à Bamako ?

 

Niveau travail, Amélie a terminé ses missions à l’intérieur du pays. Après Mopti et Ségou, elle s’est rendue les 2 dernières semaines à San, petite ville située entre les 2 précédentes, et à Sikasso, au Sud Est du pays, près de la frontière burkinabé. Pas de photos malheureusement, car les journées de travail ont été fort chargées, ne laissant pas le loisir de sortir l’appareil… San, ville de banco gris, plutôt calme, à la très belle mosquée sur le modèle de celle de Djenné. Sikasso, ville carrefour (sur la route de la Côte d’Ivoire et du Burkina), fort étendue et animée, dans la région la plus verte du Mali. Trop peu de temps passé dans ces 2 villes pour pouvoir en dire plus… A Sikasso, un grand moment à l’hôtel : la définition par le gérant et un des collègues d’Amélie de la stratégie la plus efficace pour accrocher une moustiquaire à 4 coins dans la chambre, laquelle ne comportait aucun dispositif d’attache particulier. Bilan : un coin au porte-manteau amené dans la chambre spécialement pour l’occasion, un coin à la charnière de la fenêtre, un coin sur le cordon d’alimentation de la clim et le dernier à la poignée de la porte. Du grand art !

 

Thomas quant à lui a participé à un atelier de formation des administrations des Pays les Moins Avancés sur l’adaptation au changement climatique à la semaine dernière. Très instructif, à la fois sur le fond et sur le fonctionnement du système international multilatéral. Pas toujours très réjouissant…

 

Nous profitons aussi de nos dernières semaines pour faire tout ce que nous n’avons pas eu l’occasion de faire jusqu’à présent à Bamako, et pour voir et revoir nos amis.

 

C’est ainsi que nous sommes retournés voir Moussa, Jacky et Yousouf dimanche dernier à Baguineda. Nous avons dîné avec Amadou et Fatoumata au petit restaurant que nous affectionnons, pas loin de chez nous (avis aux Bamakois qui cherchent de nouvelles adresses : African Foods, à l’angle de l’ancien commissariat du 4ème arrondissement, Badalabougou – ils ont même un site web ! Le patron camerounais et le serveur togolais sont très sympas et l’on y mange bien). Discussions intéressantes sur des thèmes de société : la place des femmes (autour du Code de la famille que nous avons évoqué ici), l’excision (on vous en parlera aussi)…

 

On parcourt les  marchés, de l’ambiance très locale du marché de Médine (eh oui, pas d’artisanat là-bas, tout de suite ça change les choses) à celui de N’Golonina, découvert pendant le séjour des parents de Thomas à Noël et ô combien plus tranquille que la maison des artisans. Nous y avons rencontré un vendeur sénégalais sympa, fan de Tiken Jah Fakoly (le rastaman défenseur de l’Afrique – très populaire ici) avec qui nous avons refait le monde autour d’un thé…

 o M

Un peu de culture aussi avec l’exposition So masiri au musée national, autour du design malien, ou comment revisiter les techniques et matériaux traditionnels afin de créer de nouveaux objets « beaux et utilitaires ». C’est réussi, et bien mis en scène, objets différents de ceux que l’on trouve sur les marchés. Le prix non plus n’est sûrement pas le même !

 

Une leçon de cuisine supplémentaire pour Amélie : comment préparer le dabléni (ou bissap), le jus de dah blanc et le jus de gingembre, spécialités locales fort désaltérantes et appréciées. Avis aux amateurs, à notre retour !

 

Et puis toujours la préparation de notre périple. Nous devrions avoir nos visas pour le Burkina cette semaine, si nous réussissons à nous rendre à l’ambassade (aujourd’hui cela n’a pas été possible à cause d’une grève générale des taxis et Sotrama : l’un des leurs a été tué dans des circonstances peu claires, par un policier…). On peaufine le trajet, on multiplie les contacts… Le tout dans une chaleur déjà torride, accompagnée de coupures d’électricité et d’eau… Un peu rude, mais on fait avec !

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dim.

21

févr.

2010

Pays dogon - encore et toujours :-)

Carte du pays dogon (cliquez pour agrandir)
Carte du pays dogon (cliquez pour agrandir)

Après la 1re journée à Sangha, boucle de 4 jours à pied, entre plateau, dune et falaise, incluant 2 descentes et remontées de celle-ci, en passant par les villages de Banani, Tiéni, Ibi, Dourou, Youga, Yendouma, Tiougou et retour à Sangha. En moyenne, une dizaine de kilomètres quotidiens, en partageant le portage du gros sac à dos que nous avions pris pour nous tester par rapport à la suite envisagée de notre voyage. Bilan plutôt positif : hormis quelques courbatures, c’est passé comme une lettre à la poste !

 

Il est vrai que le circuit était un peu sportif par moments : Amélie ne s’est pas sentie très à l’aise sur certains passages où le vide était un peu trop proche à son goût. Mais nous étions prévenus, aussi bien par Souleymane que par nos guides papiers évoquant quelques passages abrupts nécessitant un « pied sûr »… Au final, on l’a fait !

 

Et la récompense était à la hauteur de l’effort, grâce aux paysages magnifiques : des dunes orangées sublimées par la lumière dorée du soir aux vertigineux escarpements rocheux de la falaise, en passant par la vue imprenable, d’en haut, sur les étendues infinies de la plaine courant jusqu’au Burkina Faso voisin, et nichés dans ce cadre idyllique, les villages si pittoresques dont chacun a déjà aperçu les images ici ou ailleurs. Une petite sélection d’images vous donne une idée de la variété de ces paysages ! 

Nous n’avons pas été gênés non plus par les conditions d’hébergement plutôt sommaires (un matelas plus ou moins épais sur la terrasse, douche au seau ou avec un filet d’eau, etc), même au bout de 4 jours. Seuls nos cheveux n’ont pas vraiment apprécié le lavage au savon de Marseille, se transformant en une masse hirsute et rêche… Pour le reste, quel bonheur que les nuits à la belle étoile (bien que fraîches et fort ventées) sous un ciel impressionnant de limpidité, à dormir « comme des petits lapins » (comme on dit ici), la fatigue aidant ; ou encore que de terminer nos repas par nos 1res mangues maliennes ou de goûter les délicieux beignets de farine du petit déjeuner.

 

Au niveau humain en revanche, comme nous l’avons déjà écrit dans d’autres billets, nos impressions ont été plutôt négatives… Nous n’avons pas du tout rencontré l’ouverture et la gentillesse pourtant partagées dans le reste du Mali. En dehors des discussions avec notre guide, dont les anecdotes étaient en général intéressantes ou savoureuses, et des quelques mots échangés avec les personnes vivant du tourisme (hébergeurs et vendeurs d’artisanat), il nous a été difficile d’aborder la population, assez fermée. Certes, la barrière de la langue empêchait les discussions poussées, mais même chez les francophones, difficile de passer le cap de l’exercice finalement assez formel des salutations. Certes, notre guide nous a introduits dans les concessions de certains de ses amis ; mais c’était pour nous retrouver au bout de 5 minutes avec la proposition d’aller visiter la boutique du neveu, ou avec une corbeille de bracelets confectionnés par la jeune fille de la maison sur les genoux. Quant aux enfants, encore assez calmes à Sangha, ils sont allés dans certains villages jusqu’à tâter nos poches pour vérifier si elles ne contenaient pas de bonbons.

 

Le tourisme dont le pays dogon est la cible a manifestement créé une relation très particulière entre locaux et visiteurs. Assurément, l’ambigüité de cette relation se retrouve ailleurs : lequel d’entre nous, sur un lieu de villégiature français, n’a pas été confronté à l’hostilité parfois à peine cachée des locaux, qui tout en vivant du tourisme, ne souhaitent qu’une chose, le départ rapide de ces mêmes touristes ? Thomas l’Oléronais-prof-de-voile-à-ses-heures-perdues connaît bien ce sentiment paradoxal qu’il a même pu partager en des temps anciens !

 

Ici toutefois, les différences de niveau de vie entre visiteurs et visités aboutissent au triste résultat que le visiteur, à partir du moment où il a la peau blanche, n’est conçu que comme une bourse vivante, et non une personne qui s’intéresse, qui souhaiterait échanger, partager. En outre, bien que cachées, il est clair que des tensions existent entre ceux qui profitent de la manne et ceux qui en restent à l’écart, que ce soit au niveau des villageois ou même des villages entiers.

 

Qui est responsable ?... Question difficile/ Il est toutefois clair que l’attitude de certains touristes, comme certains que nous avons rencontrés, explique en grande partie que l’on en soit arrivé là : ceux qui arrivent à deux par 4x4 climatisé, font la visite du village en 20 minutes en tenant tout heureux les mains d’autant de gamins que possible, dégustent au campement les plats mitonnés par le cuisinier qui les accompagne (nourriture majoritairement importée), achètent pour se rafraîchir des bières à gogo, emportent l’artisanat local par pelletées sans négocier ou si peu, etc.

 

Alors que ces villages n’ont ni eau ni électricité, obligeant les habitants à faire plusieurs kilomètres par jour pour aller se ravitailler en eau à la pompe la plus proche ; alors que ces gamins, ainsi incités à la mendicité, se détournent, attirés par les gains faciles, des bancs de l’école (parfois à l’insu de leurs parents, parfois avec leur bénédiction) ; alors qu’ici, plus qu’une tradition, le marchandage est un moyen d’être respecté.

 

Le résultat est malsain : il semble que deux mondes se côtoient sans se voir, sans se comprendre. Le fait de références culturelles si différentes, certes, mais surtout d’un niveau de vie sans commune mesure. Au-delà de l’irrespect que traduisent certains comportements et des considérations relationnelles, ce type de tourisme questionne quant à la réalité de son caractère éthique [développements à suivre, en cours de rédaction !].
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mer.

03

févr.

2010

Prise de contact avec le pays dogon

Après une nuit peu reposante, nous décollons à 7.00 du centre, où Souleymane, plutôt silencieux, est venu nous chercher. 2 kms à pied pour rejoindre la gare routière d’où part le minibus pour Bandiagara. Décollage quand c’est plein - évidemment il n’est « pas plein, mais presque »… Petite attente (ça aurait pu être bien pire), mise à profit par les éternels pots de colle vendeurs de pacotille pour essayer de nous refiler qui un chapeau peuhl, qui un bracelet… On laisse faire, on éconduit, on commence à être habitués.

 

Puis une heure et demi de route, petites sardines bien calées entre les autres passagers. Le paysage est fantomatique sous l’effet de l’harmattan, lumière pâle du soleil matinal voilé de poussière sur les baobabs, les palmiers rôniers et les rochers… Arrivés à Bandiagara, nous attendons, dans une gargote affichant de manière improbable une attestation de parfaite hygiène dressée par un pharmacien, le taxi que Souleymane a appelé pour nous conduire à Sangha. Lui-même est parti nous acheter des fruits. La gargotière nous propose des brochettes… Il est 9.30, merci, ça ira ! Devant nous, des cochons très poilus farfouillent dans les sacs plastiques et autres déchets. Ca sera à peu près notre seule vision de Bandiagara la mythique, ville d’Hampâté Ba (le plus célèbre écrivain malien, on en a un peu parlé et vous pouvez aller voir notre bibliographie pour quelques titres), de Tierno Bokar (le « sage » de Bandiagara : maître coranique respecté, prônant contre le puritanisme déjà présent à son époque tolérance et ouverture d’esprit) et de tant d’autres…

 

Encore une heure et demi de trajet pour effectuer les 35 kms qui nous séparent de Sangha. Nous supportons assez bien les secousses de la mauvaise piste, engoncés que nous sommes dans la banquette arrière défoncée du taxi. Les premiers villages, reconnaissables entre mille, pointent le bout de leur nez de temps à autre. Quelques champs d’oignons très verts. Et puis Sangha : passage sous une arche de bienvenue plutôt laide, et sur le plateau rocheux aride, premières maisons, assez espacées, pas très typiques, bâtiments modernes du futur marché artisanal pas encore fonctionnel… Rien de bien enthousiasmant !

 

Souleymane nous emmène déposer nos sacs chez lui. Dans la cour, plusieurs femmes qu’il ne nous présente pas, et des enfants, des poules, un mouton. On se pose quelques minutes et là, 1re bonnesurprise depuis hier soir, il nous sort sa carte de guide homologué. On commençait à ne plus y croire ! Pour commencer, il nous propose d’aller faire le tour de quelques villages de Sangha avant de déjeuner un peu tardivement et de profiter de la fin d’après-midi pour nous reposer avant nos grandes journées de marche. Marché conclu !

Circuit de l’après-midi : Ogol du Haut, Ogol du Bas, tunnel de Gogoli. 6 kms pour goûter aux saveurs du pays dogon : aperçu du panorama sur la falaise (impressionnante malgré la visibilité réduite à cause de la poussière qui obsurcit toujours l’horizon), ocre des maisons en banco contre gris du plateau, tables de divination du renard pâle, maison du hogon et autels sacrificiels, greniers des hommes et des femmes, maison des femmes et autres traditions que nous vous expliquerons plus en détail…

 

Pincement au cœur en voyant les enfants, à notre passage, se rassembler pour entonner un « chant de bienvenue aux touristes ».  Le traditionnel « ça va ? » (même à 2 ans, sans savoir parler français, ils connaissent ces 2 mots !), voire les demandes « toubab, le bicou ! » (ici tout est en « ou » ! à Bamako c’est le bici…), on ne peut pas y échapper, mais le chant, on ne connaissait pas et on aurait préféré s’en passer…

 

Admiration devant le travail des femmes dans la cour de Souleymane : teinturières, elles fabriquent les indigos traditionnels…

 

Et aussi, prise de contact avec la réalité quotidienne de nombreux villages africains : pas d’eau courante (douche au seau – tout un art !) et pas d’électricité (vivent les frontales !) sauf pour les maisons à panneaux solaires ou groupe électrogène. Les conditions de vie sont spartiates (et encore, Souleymane nous loge dans une chambre de passage en dur avec un vrai matelas au sol) mais ça n’est pas vraiment un problème. On le savait et puis il faut qu’on s’habitue, ça va être comme ça pendant un moment une fois que nous aurons quitté Bamako !

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dim.

31

janv.

2010

Dures négociations à Sévaré

Souleymane, notre guide : un brin arnaqueur mais tout de même un bon guide
Souleymane, notre guide : un brin arnaqueur mais tout de même un bon guide

Comme annoncé, nous avons donc profité de la mission d’Amélie dans l’antenne de Sévaré (ville voisine de Mopti) pour pousser quelques kilomètres plus loin, jusqu’au pays dogon. Un des collègues d’Amélie, lui-même Dogon, nous avait mis en contact avec un guide de sa connaissance, Daou, que nous avions contacté avant de quitter Bamako. Lui-même n’était pas disponible pour la période souhaitée, mais il pouvait nous recommander « un de ses employés en qui il a confiance ». OK, et pour le circuit, on a déjà une idée de ce qu’on voudrait faire, qu’est-ce que vous en pensez ? « Ah mais on va discuter de ça quand vous arriverez à Sévaré, on viendra vous chercher à la descente du bus et on discutera… ». D’accord, et pour les tarifs ? « Ah lala, ne t’en fais pas pour les tarifs, vous êtes recommandés par un ami, je te garantis que ça ira » … Oui mais encore ? « Bon, il ne faut pas trop discuter parce que le téléphone ça coûte cher, on verra ça aussi ensemble à Sévaré … » « Oui mais là c’est moi qui vous appelle ! » « Ah oui mais il faut que ça soit équitable »… Embobineur de première, mais on n’a pas trop le choix, RDV est donc pris à Sévaré le dimanche soir.

 

Bamako Mopti. Foire d’empoigne au moment de récupérer les billets le matin, les employés de la compagnie prenant tous en même temps leur petit dèj’ sans aucune considération pour la file de clients qui s’allonge et s’impatiente. Pour le reste, nous sommes agréablement surpris par l’organisation, les bagages se voient attribuer un numéro, l’entrée dans le bus se fait par ordre d’achat des billets… Mieux que l’organisation d’Eurolines ! Et puis 10 heures de bus, moites dès 10.00 du matin… A Ségou montent 2 Irlandaises. Un peu paumées, elles nous confient que c’est pas facile, ce pays, sans la langue française… Tu m’étonnes ! D’ailleurs, les pauvres louperont leur arrêt au carrefour de Djenné, faute d’avoir entendu le chauffeur l’indiquer…

 

C’est un peu lessivés que nous arrivons à Sévaré, où nous sommes attendus par le collègue d’Amélie. Au centre, nous rejoignent bientôt Daou et son « employé en qui il a toute confiance » - qui se révèlera être son grand frère -, Souleymane. Les discussions commencent : définition du périple (de Sangha à Sangha, en boucle, cf. carte), sur 5 jours. Et vient l’annonce du prix. Coup de massue, notre budget max est largement dépassé. On négocie ferme, pendant quasiment une heure. Impression d’être un peu piégés : comment dire non à ce guide conseillé gentiment par le collègue d’Amélie, qui est présent ? Et pourtant, on trouve qu’ils exagèrent, sans manifester la moindre souplesse (refus de dissocier les tarifs de guidage et autres prestations au prétexte fallacieux que l’on nous fera payer 2 fois plus cher – alors que les tarifs mentionnés dans notre guide correspondent à ceux qu’ils connaissent ; refus de passer la nuit dans des hébergements autres que ceux qu’ils fréquentent habituellement, etc). Le discours bien rodé et ultra commercial de Daou (« nuit sous 10000 étoiles », « attention le matin pas question de demander du pain hein, on mange local, c’est beignets de farine ») ne nous plaît pas davantage.

 

Finalement nous tombons d’accord sur un tarif qui nous semble plus raisonnable, bien qu’au-delà de la fourchette haute de ce que nous nous étions autorisés (et pour cause : ce tarif représente à peu près 5 fois le coût moyen de notre vie à Bamako depuis le début du séjour, incluant tous nos postes de dépenses !).

 

Le séjour commence mal, nous sommes dépités et avons le sentiment de nous faire avoir sans pouvoir mettre le holà. Piètre consolation de se dire que, pleine saison touristique oblige, nous n’aurions pas pu obtenir moins…

 

Mais de cette façon, nous rentrons de plain pied dans une des réalités locales : le blanc est perçu comme ayant de l’argent. Tout le monde est mis dans le même panier, des touristes en 4x4 ne s’arrêtant dans les villages que pour manger et acheter sans négocier l’artisanat local aux randonneurs désireux de découvrir la région et sa population de manière plus respectueuse. Très frustrant, mais il faut que nous nous habituions à ce sentiment car il ne nous quittera pas pendant 6 jours…

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sam.

09

janv.

2010

Ségou, la ville aux multiples qualificatifs

A trois heures de route de Bamako (240 kms), Ségou est le lieu idéal pour passer quelques jours au calme.  Première impression : tranquillité et verdure. Nous sommes entrés dans la ville par l’ancien goudron, bordé de part et d’autre par les bâtiments du quartier administratif, de style néo-soudanais, à l’ombre des caïlcédrats. A quelques mètres du goudron, le Niger, somptueux, déroule ses eaux…

 

Partout des arbres, et notamment les fameux balanzans à l’origine du surnom de « Cité des balanzans » ; d’après la légende, la ville compterait 4444 de ces arbres épineux de la famille des acacias, qui perdent leurs feuilles en saison des pluies, plus un qui, contrairement aux autres, serait bossu et dont nul ne connaîtrait l’emplacement. L’histoire des 4444 plus 1 remonte à l'époque du royaume bambara (cf. ci-dessous) : 4000 pour le nombre de membres de l’armée, composée de tous les hommes de 20 à 50 ans ; 400 pour les soldats de métier encadrant cette armés ; 40 pour les provinces du royaume de Ségou et de son allié Saro ; 4 pour le roi, sa famille, ses courtisans et sa garde. Le balanzan bossu représentait le conseil occulte du roi, véritable support du pouvoir à Ségou.

 

Pour nos deux jours à Ségou, nous avons choisi d’être hébergés non dans un hôtel, mais dans une famille ségovienne, la famille Coulibaly. Il faut dire que les Coulibaly (de Kulun-Bali – « sans pirogue » en bambara) sont légion, ici à Ségou. C’est d’ailleurs un certain Biton Coulibaly – de son vrai nom Mamary Coulibaly - qui fera de la ville la capitale de son royaume fondé en 1712, connu comme le « royaume Bambara de Ségou » et s’étendant de Bamako à Tombouctou. Nommé chef de « Ton » (c'est-à-dire une association regroupant des jeunes gens d’une même classe d’âge – ces associations existent dans quasiment toutes les ethnies du Mali, sous différents noms), après avoir été désigné trois fois lors d’un tirage au sort par un ancêtre aveugle, Biton Coulibaly conquiert les villages environnants et assoit son pouvoir grâce aux tons, dont il fait une véritable armée de métier, et à la flotte de guerre sur le Niger qu’il crée en alliance avec les Somono, une ethnie de pêcheurs.

Oumar Tall
Oumar Tall

Après sa mort en 1755, le royaume traversera différentes crises jusqu’à être renversé par El Hadj Oumar Tall le 10 mars 1861. C’est à cette époque que se perdit la tradition animiste dans la région de Ségou : après avoir détruit les fétiches protecteurs du royaume, Oumar Tall et son fils Ahmadou diffusent, comme ailleurs au Mali, l’islam qui est aujourd’hui pratiqué par la très grande majorité de la population. Une grande mosquée, pouvant accueillir 3300 fidèles, a d’ailleurs été construite en 2007 grâce à un financement libyen – pays très présent au Mali, nous en reparlerons - à travers l’Association Mondiale pour l’Appel Islamique (environ 1,5 milliard de FCFA).

Revenons à notre famille d’accueil. En l’occurrence, Zanke, le chef de famille, maçon de profession, a décidé il y a un an à peine de se lancer dans l’hébergement. Il accueille, face au fleuve, les visiteurs dans sa maison construite en banco rouge (car la terre est un matériau très présent à Ségou, de ce fameux banco rouge aux célèbres poteries de Ségou, fabriquées au village des potières sur l’autre rive du fleuve, village que nous avons visité… on en reparlera aussi !). Convivialité, calme et partage sont au rendez-vous ; repas cuisinés par la maman, soirée en famille dans la cour, discussions autour du thé, rencontre d’autres visiteurs… De vrais moments d'un bonheur tout simple...

Après les balanzans, les poteries et le banco rouge, Ségou est encore la ville du bogolan. En fait, cette technique de teinture  est également utilisée ailleurs au Mali, mais Ségou compte plusieurs ateliers de fabrication de bogolan dont certains ouvrent leurs portes au public, qui peut en suivre les différentes étapes. Ce que nous avons fait avec beaucoup d’intérêt (un autre article à venir !).

 

Et aussi, une agréable balade en pirogue sur le Niger, une tentative ratée de sortie dans un maquis (après avoir tourné dans la ville pour le trouver, déception : deux péquins dans une salle vide, nous avons rebroussé chemin), la visite du centre d’art africain Bajidala qui présentait une intéressante exposition sur les fétiches : réflexion sur cette notion de fétiche, soulignant le regard tout à la fois ignorant et méprisant porté par le monde occidental sur ces objets qualifiés de « primitifs », regard paradoxal lorsqu’on le confronte au rapport de nos sociétés aux objets de luxe et aux marques, par exemple…

 

On n’a pas eu le temps de tout voir… On y retournerait bien !

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sam.

05

déc.

2009

Encore un peu de culture !

Avant toute chose, une petite info pour ceux qui ne seraient pas encore au courant : Thomas est parti hier soir sauver le monde à Copenhague (sommet sur le climat dont vous avez tous entendu parler :-) ). Il revient le 20, accompagné de ses parents et de son frère qui ont décidé cette semaine de nous rendre visite pendant les vacances de Noël… D’ici là, c’est donc votre servante qui essaiera de tenir ce blog à jour !

 

Les dernières semaines ont été assez riches en sorties culturelles. Outre le concert de Toumani Diabaté et du Symmetric Orchestra, qui a fait l’objet d’un article spécifique, nous avons profité des Biennales de la photographie et de « Bintou Wéré », Opéra du Sahel. Compte-rendu.

Des images plein la tête

Les Biennales de la photographie (plus d’infos ici) sont un évènement important à Bamako : de nombreux artistes originaires de tout le continent africain s’exposent aux quatre coins de la ville (Musée national, CCF, Palais de la culture, galerie de l’INA, musée du district). Nous avons choisi de commencer par le Palais de la culture, autant pour découvrir l’endroit, que nous ne connaissions pas encore, que les expositions variées qui y prennent place pour l’occasion.  Le Palais est un bâtiment relativement moderne de deux étages, comprenant une immense salle de spectacle, et entouré d’un vaste parc ombragé voisin du fleuve. Le parc abrite également le Café des arts, où ont souvent lieu des concerts, et plusieurs terrains de sport.

 

Ce samedi-là, la tristesse suintait des murs du Palais, dont nous sommes restés les uniques visiteurs pendant une bonne heure au moins, les seules autres présences étant celles des gardiens et des femmes de ménage passant la serpillère dans les grands couloirs vides… Cette absence de visiteurs nous a réellement surpris, dans la mesure où les expositions sont gratuites et font l’objet d’une certaine publicité dans la ville ; alors quelle explication à ce peu de succès : désintérêt ? manque d’information ?... Constat désolant de la non appropriation par les Bamakois d’un évènement organisé pour eux par des Africains…

Au total, les œuvres d’une dizaine d’artistes s’offraient à nous, en un patchwork surprenant de diversité.

 

Nous n’avons pas tout apprécié, notamment la vision très spéciale du Sud-africain Pieter Hugo, qui a pris le parti de déguiser ses sujets en personnages de films d’horreur, grotesques et effrayants.

Ou encore les clichés de la Swazi (habitante du Swaziland) Nadipha Mntambo, qui s’est photographiée elle-même dans un amphithéâtre vide, en costume de toréador.

 

Nous devons dire que ces visions artistiques sont restées un peu hermétiques à nos yeux…

Mais nous avons également été admiratifs du travail d’autres artistes.

Les images terribles prises par le Namibien Karel Prinsloo, retraçant l’exode de la population du Nord Kivu en République démocratique du Congo, prise en otage lors des conflits armés : fuite en files interminables de familles pliant sous le poids des plus précieuses possessions, emportées à la va vite, sous l’œil impuissant des forces des Nations Unies ; scènes de vie au sein des si précaires camps de réfugiés. Etonnamment, la fixité de ces images les rend encore plus frappantes que les scènes télévisées du même conflit, que nous avons tous eu l’occasion de voir au cours d’un JT ou un autre…

Les visages de ces femmes espérant que leurs enfants ou maris partis au loin reviennent ou donnent des nouvelles, immortalisés par Angèle Etoundi Essamba la Camerounaise, visages tournés vers la mer, lumineux malgré l’attente et les inquiétudes.

Les photos du Français Bruno Boudjelal, au parti pris flou et coloré parfois déroutant (on aime ou on n’aime pas), accompagnées des textes saisissants du photographe, qui a traversé l’Afrique de Tanger au Cap par la route : description des arnaques multiples subies sur le chemin, de certaines réalités parfois oppressantes de l’Afrique, comme ce dîner à Lomé en compagnie d’un responsable politique dont un jeune homme goûte tous les plats (il paraît que le poison est un moyen privilégié d’élimination des opposants politiques), ou cette soirée où l’on rend visite au propriétaire d’un cyber, dans l’arrière-boutique duquel des jeunes femmes essaient par tous le moyens, y compris en dévoilant leurs charmes, de convaincre des hommes occidentaux qu’elles n’ont jamais rencontré de les épouser…

 

 

Les clichés décalés de l’Angolais Jean Depara, dans le Kinshasa des années 60, après la décolonisation, capitale de tous les plaisirs, plus libertine à l’époque que ne le sont aujourd’hui la plupart des pays africains…

En conclusion, un évènement vraiment bien conçu : il ne nous reste plus qu'à trouver le temps d'aller visiter toutes les autres expositions...

De la musique plein le cœur !

Vendredi 27 novembre, en compagnie d’Elisabeth, la collègue française d’Amélie présente à Bamako pour 3 semaines, nous sommes retournés au Palais de la Culture voir Bintou Wéré, l’opéra du Sahel. Créée en 2005 à l’initiative du Prince Claus des Pays-Bas, l’œuvre a connu une première tournée africaine et européenne en 2007, laquelle lui a valu d’excellentes critiques.

 

La deuxième tournée africaine se clôturait par une représentation gratuite à Bamako ; nous nous délections par avance de l’évènement.

 

Programmé à 21.00, l’opéra n’a commencé qu’à 21.45 (à l'africaine !), ce qui nous a laissé le temps, constatant que de nombreuses places « VIP » de l’immense salle de spectacle ne se remplissaient pas, de tenter notre chance auprès de l’hôtesse qui nous a accordé le droit d’en occuper trois. Public assez mixte, noirs et blancs, ministres et officiels côtoyant simples péquins comme nous…

Après un discours de bienvenue retraçant l’historique de l’œuvre et résumant l’histoire, les artistes prennent possession de la scène. Ils évoluent dans un décor tout de bleu, ciel infini, et d’ocre, sable sahélien à perte de vue. Accompagnés par une dizaine de musiciens (balafon, kora, n’gonis et autres percussions), leurs voix tout à tout puissantes ou caressantes, toujours chaleureuses, transcrivent le déchirement de Bintou, jeune femme d’un village sahélien où ni elle, ni les autres jeunes, n’ont d’avenir. Symbole de toute une jeunesse africaine désenchantée… Enceinte, elle décide de partir, accompagnée par plusieurs amis, à l’assaut des barrières de Mellila, direction l’Europe…

Seul hic : les textes sont évidemment en wolof, en bambara, et autres langues africaines… Nous voilà bien démunis ! Nous avions pensé qu’une traduction serait projetée, ou que le livret serait en vente, mais point du tout… Nous devons donc nous contenter du plaisir des oreilles et des yeux, sans comprendre vraiment les détails de l’histoire. Mais la magie opère malgré tout, grâce aux costumes chatoyants, chorégraphies dynamiques, mouvements gracieux, jeux de lumière… Si jamais la troupe pose à nouveau ses valises en Europe, n’hésitez pas !

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ven.

04

déc.

2009

Concert de Toumani Diabaté

 

Tout d’abord, et sans relation avec ce qui suit, nous tenons à rassurer les inquiets : nous sommes toujours vivants, et contrairement à ce qui se passe dans le Nord du Mali (où nous ne comptons justement PAS nous rendre), il n’y a pas de risque d’enlèvement à Bamako ! :-)

 

Vendredi 20 novembre, Toumani Diabaté er le Symmetric Orchestra donnaient un concert exceptionnel à Bamako, au BlonBa (salle de concert récemment réaménagée qui vaut largement une salle de concert parisienne).

 

Ambiance mi-noire, mi-blanche, la salle étant remplie à peu près autant de Maliens que de Toubabou.

 

Toumani Diabaté est un griot d'une famille très renommée au Mali : il est membre de la 71ème génération qui joue de la kora. Les griots, chanteurs et musiciens, sont les gardiens de la mémoire ; ils racontent les histoires des familles. Ils chantent les louanges de chacun, et chantent pour le plaisir auditif.

 

L'artiste a donc joué de la kora, accompagné par une grosse quinzaine de musiciens et chanteurs du Symmetric Orchestra, collectif né de la volonté d'excellents musiciens de différents pays d'Afrique et même d'Europe, renommés dans leur spécialité, de jouer ensemble.

 

Dans chaque chanson malienne d'un griot, l'oreille étrangère distingue deux phases : la première peut être plus ou moins longue, plus ou moins ennuyeuse pour qui ne comprend pas le bambara. Il s'agit de chanter en une longue litanie quelque peu monocorde les louanges de la personne à qui l’on s'adresse. Les chanteurs l'ont fait pour Toumani au début, puis pour des spectateurs tout au long du concert. Si les louanges plaisent, les billets tombent, et même parfois pleuvent. Etonnant, voire choquant.

 

La seconde phase est plus entraînante, déchaînée, libre. Le rythme s'emballe, la mélodie se colore, les solos musicaux s'enchaînent... et les spectateurs dansent dans la salle.

 

Ici on ne danse pas comme par chez nous. Point de « 1, 2, 3, 1, 2, 3 » coincés et distingués, pour ne pas dire péteux. Non, ici le corps s'exprime vraiment, totalement, pleinement. Les uns après les autres, des jeunes maliens viennent profiter de l'espace réservé à l'avant scène pour se libérer corporellement. Difficilement descriptible, ce jeu entre hommes et femmes, plus ou moins évident, plus ou moins assumé, plus ou moins sexué. Le rythme dans la peau, l'élégance sont surprenants ; la beauté simple et naturelle d'être vivant, terriblement vivant, vous surprend. Envie d'en faire autant. Envie de liberté.

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dim.

08

nov.

2009

Premier concert

Jeudi soir, nous sommes allés voir Adama Yalomba en concert au CCF (petit nom que donnent les habitués au centre culturel français). Nous voulions depuis un moment profiter de Bamako également au plan musical, mais n’en avions pas encore eu l’occasion…

 

D’abord, découverte du CCF : entre les deux ponts, un lieu qui correspond bien à l’image que l’on s’en fait… Lieu de rassemblement de la communauté expatriée, avec son restaurant Le patio (où, dans la série expériences gustatives, nous dégustons un jus de tamarin – un peu amer - et un jus de fruit du baobab, ou « pain de singe » - doux et acidulé), ses expos, sa médiathèque, sa salle de spectacle. Le public est majoritairement blanc, même si des Maliens sont aussi présents. Différence notable par rapport aux concerts en France, qui rassemblent en général un public relativement homogène, il y a un peu tous les styles, des dreadlocks des musicos aux costards-cravates des officiels du milieu culturel…

 

Sur scène, ils sont 8. Adama Yalomba, au chant, à la guitare sèche et au n’goni (cette fois-ci, contrairement à celle que nous avions vue à la maison des artisans, c’est un n’goni harpe et non pas un n'goni luth - il y a beaucoup plus de cordes!) ; un percussionniste endiablé (djembé, balafon) ; un bassiste (le seul blanc) ; un guitariste ; un batteur ; deux choristes femmes, qui dansent aussi, et un choriste homme.

 

Et il n’y a pas à dire : ils savent faire de la musique ! Vous pouvez les écouter ici. Chant en français, bambara, anglais ou autres langues africaines, rythmes et sonorités variés, voilà la musique africaine d’aujourd’hui, qui a su se renouveler sans perdre son âme en s’occidentalisant trop. Et on ne s’ennuie pas une seconde, il y a trop à regarder et à écouter, car les musiciens sont tous bons ! Les prestations de danse sont elles aussi impressionnantes, un spectacle à elles seules…

 

C’est donc très satisfaits que nous avons regagné nos pénates. Petit message aux parisiens : Adama Yalomba sera en concert le 16 décembre prochain au Satellit’Café  (M° Oberkampf – Parmentier), si vous voulez oublier le thermomètre qui flirte avec le zéro… Et pour tous : le nouvel album, intitulé Yassa, est le premier qui sort en France et sera disponible  à partir du 23 novembre (notamment à la Fnac).

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dim.

01

nov.

2009

Sorties bamakoises

Bamako sous la pluie, 20 degrés, incroyable ! Voilà qui a fait dire à Amélie qu’à quelques détails près, on pourrait se croire en Picardie… En tous cas, nous mettons à profit cette fraîche journée pour vous relater nos dernières sorties, très différentes les unes des autres, dans la capitale.

 

La maison des artisans

 

En plein centre de Bamako, imaginez un grand marché couvert dans les dédales duquel on se perd, formé de galeries et de petites cours intérieures où travaillent, sous nos yeux, certains des artisans. Multitude de boutiques regroupées plus ou moins par cœur de métier : les métiers du cuir, le quartier des instruments de musique, celui des bijoux, des tissus, des sculptures et masques… Il y en a dans tous les sens, de toutes les couleurs, pour tous les goûts, et souvent ce sont réellement de très jolis objets.

 

Nous ne voulions rien acheter, juste découvrir… Nous avons réussi à tenir le pari, mais à quel prix ! Eh oui, le problème à Bamako, c’est qu’on est vite repérés : blancs, donc touristes, donc argent, donc pluie de sollicitations : « entrez dans ma boutique, venez voir mes articles, j’ai des statues du pays dogon, des colliers, des tissus, c’est fabriqué localement ! Même si vous n’achetez pas, venez, plaisir des yeux ! ». Ah, le plaisir des yeux… Nous avons cédé à deux ou trois reprises, difficile de faire autrement. Evidemment, une fois à l’intérieur, on sent la pointe de déception du vendeur lorsque l’on repart les mains vides… Ca n’est pas toujours très agréable d’être perçu comme une bourse sur pattes et de ne pouvoir faire un pas tranquillement ; c’est surtout vite fatiguant. Aussi, la prochaine fois, nous irons découvrir l’autre marché artisanal de Bamako, apparemment moins touristique (on a dû voir 10 toubabs en une heure ! plus que depuis notre arrivée ici !) et plus tranquille.

Un n'goni
Un n'goni

Nous avons tout de même fait une rencontre sympathique, celle de Séverin, musicien de son état, originaire du Burkina, avec qui nous avons discuté un moment autour d’un n’goni (sorte de guitare à 3 cordes en l’occurrence, faite à partir d’une calebasse).

 

Et, à notre grande surprise (jamais personne ne nous a dit ça en Europe !), on nous a demandé à plusieurs reprises si nous étions frère et sœur ! Il paraît que nous nous ressemblons…

Soirée chez Fatoumata

 

Fatoumata est la fiancée d’Amadou (dont nous avons déjà parlé ici). Nous avons été invités à « faire la causette » chez ses parents, en compagnie d’Amadou. Après 20 minutes de mobylette, emmenés par Amadou et un de ses amis, nous arrivons chez Fatoumata, qui habite dans le quartier Kalabancoro ACI, au sud ouest de Bamako. Présentations aux parents, très accueillants, à Fatoumata elle-même (nous ne la connaissons pas encore), aux deux petites sœurs et aux deux jeunes domestiques, toutes quatre intimidées par le fait de nous saluer.

 

Puis nous (les 5 jeunes) nous installons dans la cour, autour d’une table basse installée sous un arbre. Nous sommes impressionnés par la propreté des lieux : ici, pas un papier qui traîne ! C’est la première fois que nous voyons une cour aussi nette. Et ça change vraiment tout… On discute tranquillement autour des biscuits et jus de fruit que nous avons apportés ; parfois la conversation se poursuit en bambara, alors nous profitons simplement du fait d’être assis là, au calme, dans le quotidien d’une famille bamakoise.

 

Cette fois encore, l’hospitalité malienne est fidèle à sa réputation : un grand plat de crudités, pommes de terre, œufs et poisson nous est servi. C’est délicieux, et très différent de la cuisine traditionnelle que nous mangeons habituellement. On savoure… Puis vient le thé, autour de discussions plus animées (le repas a permis de briser la glace !) : études des uns et des autres, souvenirs de Paris, système de santé malien, etc.  Et c'est déjà l’heure du départ, car tout le monde travaille tôt le lendemain. Alors que nous remercions pour l’accueil très chaleureux que nous avons reçu, nos remerciements nous sont retournés : c’est nous qui avons pris la peine de venir dîner ! Le monde à l’envers… Et une très bonne soirée à conserver dans nos souvenirs !

 

Le musée national

 

Dimanche dernier, nous avons décidé d’aller visiter le musée national du Mali, dont l’on nous avait dit beaucoup de bien. Nous n’avons pas été déçus ! [NB: vous pouvez cliquer sur les photos pour les agrandir!]

Le musée se situe sur la rive opposée du fleuve, dans le quartier des ministères, quasiment à la sortie de la ville. Beaucoup de verdure, un jardin qui doit offrir un lieu de promenade agréable en temps normal mais qui est actuellement en travaux, des bâtiments modernes (1982) s’inspirant de l’architecture traditionnelle du pays, personne d’autre que les gardiens et nous dans les salles (ça change des expos du Grand Palais !)… Et surtout une collection permanente riche et vraiment intéressante.

 

Elle se divise en trois expositions : la première est consacrée aux tissus maliens, du bogolan à l’indigo en passant par le basin et les couvertures en laine (on vous expliquera tout ça dans un article à venir, promis) ; la seconde, intitulée « Mali millénaire », présente le résultat de fouilles archéologiques menées dans les différentes régions du pays ; la troisième est consacrée aux masques et autres objets de rite dans les sociétés initiatiques (là aussi quelques explications en vue).

 

Les objets sont bien conservés et mis en valeur, les explications claires, on apprend beaucoup de choses. A ceux qui considèrent que l’Afrique n’est pas suffisamment entrée dans l’histoire, on pourrait conseiller de venir découvrir l’architecture tellem (11ème siècle), qui a su exploiter au mieux un milieu pourtant hostile, les superbes poteries de Djenné (9ème siècle), et plus généralement la richesse d’un patrimoine qui demeure largement ignoré… Ou pillé, au contraire ! Comme pour d’autres richesses africaines, certains indélicats n’hésitent pas à faire fi de la loi ; et l’on lit sur de nombreux écriteaux du musée que l’objet présenté a été « restitué » par les douanes françaises… D’ailleurs, au détour d’une allée, on trouve une statuette en terre cuite… « offerte » par Jacques Chirac ! Il s’agit en fait d’un objet issu du pillage, illégalement exporté hors du Mali et offert à notre ancien président pour un de ses anniversaires. Mis au courant de son origine douteuse, il en a alors, et c’est tout à son honneur, fait cadeau au Musée.

 

A la sortie, nous profitons de la boutique du musée pour acheter enfin notre dictionnaire Français bambara, la méthode associée, rédigée par le Père Bailleul, et ses 4 CD. Si avec tout ça nous ne progressons pas…

 

Sortie dans un maquis

 

Susanne et Félix, nos amis allemands, sont revenus de leur périple à l’intérieur du pays. Samedi soir, Susanne nous emmène à Badalabougou, l’un des deux quartiers festifs de Bamako, tout proche de chez nous. En fait de quartier, il s’agit plutôt d’une rue, bordée de part et d’autre de bars, de discothèques et de « maquis ». Les maquis sont des lieux où l’on peut écouter de la musique et danser, tout en buvant une bière et/ou en mangeant. A la fois restaurant et « bar dansant » donc.

 

Nous choisissons tout d’abord le « Koud’frein », plus calme que les autres car la salle de danse (entrée payante) est séparée de la partie bar / restaurant. Nous en profitons pour discuter autour d’une bouteille de Castel, la bière locale (plutôt agréable !), aux sons de Khaled, Ricky Martin et autres morceaux occidentaux sans grand intérêt. Pas mal de toubabs dans la rue et dans le maquis ; du coup on a l’impression de passer inaperçus, et pour une fois, c’est plutôt agréable.

 

Puis nous décidons de changer d’ambiance, et d’atterrir cette fois dans un vrai maquis malien. Nous nous attablons dans le jardin, à une table Castel sur laquelle, détail incongru, sont inscrites des citations de St Simon, d’où nous observons les quelques danseurs. L’atmosphère est plus animée qu’au Koud’frein, la musique africaine change tout de suite l’ambiance !

 

Nous sommes étonnés de ne voir quasiment que des hommes : Susanne nous explique qu’ici, les seules femmes que l’on rencontre dans ce genre d’endroit et à cette heure-ci sont soit des jeunes femmes non mariées, soit des prostituées (que l’on remarque vite ! les décolletés en particulier sont … majestueux ? renversants ? hallucinants ?...). Les femmes mariées ne sortent pas, si ce n’est pour boire le thé avec leurs amies...

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