Burkina -suite-

Dimanche 18 avril.

Calfeutrés sous notre voûte, portes et volets clos, nous soufflons un peu. Voûte ? Oui oui, vous avez bien lu. Depuis hier soir (dimanche), nous sommes à Boromo, petite ville tranquille du Burkina, où l'association AVN (association voûte nubienne) a ses locaux. La voûte nubienne, on en avait déjà parlé un peu ici. On a eu la chance de tester la construction : ici à Boromo, un campement est construit suivant cette technique tout en terre (pas de bois pour la structure). Et pendant la journée, c'est une évidence : la construction est adaptée aux chaleurs sub-sahariennes, puisque l'on perd plusieurs degrés entre intérieur et extérieur, même à l'ombre. Appréciable lorsque, comme en ce moment, il fait plus de 45 degrés...

 

Au-delà, nous avons pu discuter ce matin du projet avec les membres de l'association. Nous allons essayer de mettre en ligne, au fur et à mesure, les présentations des projets que nous avons découverts... Mais nous manquons furieusement de temps pour tout faire !

 

Revenons sur notre périple. Nous nous étions quittés alors que nous étions encore à Bobo, au terme de notre 1re journée là-bas. Le deuxième jour, Thomas a fait 2 interventions d'une demi-heure dans des classes de CM2 (Serge Bernard, le fils de Bernadette qui nous a accueillis, assure la gestion d'une école privée créée par son père) sur le thème du changement climatique. Autant profiter de notre présence pour faire passer des messages ! Les enfants étaient manifestement intéressés, l'une des 2 classes particulièrement réceptive. On essaiera de renouveler l'expérience si on en a l'occasion...

 

Nous avions également rendu visite au GAFREH (groupement des association féminines pour le renouveau économique du Houët – le Houët étant la région autour de Bobo), autre association locale que nous avions ciblée pour son projet de recyclage de sacs plastiques qui tout à la fois réduit (à son échelle) la pollution endémique provoquée par les sachets, et assure une source de revenus à des femmes qui n'en ont pas ou peu – notamment des jeunes filles mères.

 

Nous nous étions enfin tranquillement baladés dans le quartier de l'ancienne mosquée, proche du coeur historique de Bobo (que nous n'avons en revanche pas visité car l'accès au quartier ancien était payant)... Coin paisible : discussions avec l'association des guides dont certains sont musiciens et ont monté un groupe – ils nous ont invité à écouter l'album... que nous avons finalement acheté !-. Puis découverte, au hasard, d'une autre initiative ayant pour effet de recycler du plastique (même si ce n'est pas l'objet recherché) : fabrication, à partir des sangles plastiques utilisées pour sécuriser les cartons de transport, de paniers très solides utilisés notamment par les vendeurs de poisson au Mali... Nous avions discuté sur le chemin du retour avec des jeunes qui nous avaient invité à boire le thé, de notre périple, de leurs études, de la passion de l'un pour le football... Les « docteurs des voitures » du quartier nous avaient à leur tour invité le lendemain, juste avant notre départ. Discussion plus politique à l'ombre du manguier. L'un se hasarde à parler de « dictature » à propos de son pays. Un autre le reprend immédiatement, « on ne peut pas tout à fait dire cela »... Ils nous font écouter le discours de Sankara, leur ancien président, sur la dette. C'était il y a plus de 30 ans, c'est toujours aussi actuel...

 

De Bobo-Dioulasso, la « maison des Dioulas et des Bobos » (son ancien nom – celui-ci lui a apparemment été donné par le colonisateur français - est Sya), nous gardons l'image d'une ville tranquille, verte, loin de la pollution et de l'anarchie de Bamako, aux taxis honnêtes (!), aux habitants souriants, curieux, accueillants – comme souvent en Afrique de l'Ouest, du moins dans les zones que nous avons traversées.

 

Puis nous avons quitté Bobo, après avoir subi l'épreuve de la bousculade-géante-pour-rentrer-dans-le-bus-par-45-degrés, direction Gaoua, au sud, en pays lobi, entre Côte d'Ivoire et Ghana. Là-bas, nous avons été accueillis par Kader, artiste de son état, qui a créé un campement ; celui-ci n'étant pas fonctionnel, il nous a proposé de dormir dans la tente montée devant chez lui... Proposition acceptée. Nous avons donc pendant 2 jours et demi partagé le quotidien d'une famille pour laquelle il n'est pas toujours facile de nouer les 2 bouts. Kader a été extrêmement attentionné avec nous et nous a montré sa région sans rien nous demander. Il nous a énormément appris sur la culture lobi, on a beaucoup parlé avec lui : des différences culturelles entre la France et le Burkina ; du secteur de l'orpaillage qui se développe de manière pas très nette dans la région de Gaoua ; des lobis, des lobis et encore des lobis ; de l'art et de la difficulté d'être un artiste ici... Nous avons rencontré comme prévu – puisque c'était pour cela que nous étions venus – l'association pour la promotion féminine de Gaoua (APFG – vous trouverez le compte-rendu de notre visite ici), dont fait partie la femme de Kader, Evelyne. Encore une initiative locale remarquable. Comme quoi, si l'Afrique noire est mal partie, comme dirait l'autre, il y a aussi plein de gens qui la font avancer, avec des idées, des compétences, de la persévérance...

 

Kader nous a aussi emmené voir une orpailleuse traditionnelle – c'était notre second point d'intérêt, car au-delà des projets, cela nous intéresse de découvrir la façon dont les gens vivent et donc, les métiers qu'ils exercent. Angéline vit dans un petit village et travaille 4 jours sur 5 à l'extraction de l'or. Le cinquième jour, si l'activité a été bonne, elle va vendre son or au marché de Doudou qui a lieu tous les 5 jours. Le travail consiste à creuser d'abord un puits, car il faut de l'eau pour rincer la terre ; ensuite un trou, lequel peut s'agrandir en galerie si la terre contient suffisamment de paillettes d'or. La terre est rincée à l'eau dans une calebasse plusieurs fois, jusqu'à ne plus contenir que le plus lourd : l'or. Des paillettes minuscules, qu'elle ne trouve pas à chaque fois ; il faut alors recommencer. Le travail est rude, physique, comme en attestent les bras musclés d'Angéline. Elle réussit à vivre de son activité, à nourrir ses enfants – le papa est en Côte d'Ivoire. Mais pas d'achats de loisirs ou de petits plaisirs... La vie pourrait être un peu plus facile si, comme elle le dit, elle et ses consœurs ne se faisaient pas exploiter par les acheteurs. Seuls les acheteurs agréés par l'Etat ont le droit d'acheter l'or et, apparemment, ils profitent de la faiblesse de ces femmes, analphabètes, pour les arnaquer par diverses techniques. Nous n'avons pas pu vérifier ni l'existence de cette fraude, ni son ampleur – mais si cela est vrai, c'est un vrai scandale...

 

Kader nous a également montré les métiers traditionnels de la région :

  • poterie : fascinante dextérité de la potière qui, en 10 minutes et en utilisant des objets simples (bouts de plastique, morceaux de pagne, morceau de terre cuite pour faire tourner la poterie en cours de réalisation), fabrique un joli vase rond... les potières se sont regroupées en association pour l'utilisation d'un four commun en terre cuite qui évite la technique de cuisson traditionnelle que nous avions croisée au Mali (des branches sont empilées au dessus des poteries crues et enflammées), laquelle contribue beaucoup à la déforestation ;

  • vannerie : multitude de paniers, corbeilles, dessous de table en osier tressé, formes traditionnelles réinventées en utilisant pour colorer l'objet les sachets plastiques... l'activité est, encore une fois, réservée aux femmes ;

  • sculpture : cette fois, seuls les hommes la pratiquent ; il s'agit d'une sculpture d'artisanat davantage que d'art – les hommes reproduisent des objets millénaires (tabourets à trois pieds qui leur sont réservés ; cannes ; portes-clés, …) avec, là encore, un incroyable savoir faire.

 

Nous sommes bien accueillis dans les différents villages (chacun a sa spécialité), même si l'échange est plus artificiel qu'avec Angéline l'orpailleuse : dès notre arrivée, les enfants sortent tous les modèles possibles et imaginables, pensant que nous allons acheter quelque chose... Et nous nous retrouvons dans une situation fort gênante puisque nous ne pouvons pas acheter (pas de place dans les bagages, pas de budget pour acheter quelque chose dans tous les endroits où nous passons). C'est le revers de la médaille...

 

Nous retrouvons certains des artisans le dimanche, au marché de Gaoua. Ils ont fait 10 à 15 kilomètres à pied, sous un soleil de plomb portant leurs œuvres sur leur tête dans des bassines ou calebasses, pour venir les vendre – et en vivre...

 

Nous ne pouvons nous empêcher de penser que cette production artisane qui est vendue si peu chère ici, se vendrait quelques dizaines voire centaines de fois plus cher en Europe. Nous parlons de commerce équitable à Kader, qui est également président d'une jeune association regroupant artistes et artisans de la localité. C'est une piste, mais tout est à construire.

 

Le dimanche après-midi sonne l'heure du départ pour Boromo. Plein de souvenirs et d'amitié en tête, espérant pouvoir rendre la pareille à Kader lorsqu'il viendra en France, nous prenons le bus, une fois de plus.

 

A Boromo, en plus de la voute nubienne, nous avons l'occasion de rencontrer les artistes de la troupe « les grandes personnes (d'Afrique) », qui produisent des marionnettes géantes et les spectacles qui vont avec. Les prestations se font autant ici au Burkina que dans la sous-région ou en France (d'ailleurs les Grandes Personnes travaillent étroitement avec la troupe basée à Aubervilliers). Les spectacles sont aussi l'occasion de faire de la sensibilisation et de la prévention sur divers thématiques. La vingtaine d'artistes de la troupe ne vit pas de l'activité, et chacun mène son petit business pour vivre. Obtenir des contrats localement pour la production de spectacles, bien que cela arrive, reste rare et difficile. Malgré tout, il est magique de voir sortir de « nul part » une telle créativité et un tel dynamisme original.

 

 

 

Mercredi 21 avril.

Nous avons quitté Boromo mardi pour Koudougou, troisième ville du pays. Arrivée assez peu agréable dans la chaleur ; un taxi-man particulièrement malhonnête (même si on sait se défendre). Nous ne visiterons finalement pas la ferme de spiruline (pour en savoir plus, voir par exemple un très intéressant reportage ici) dont nous avions découvert l'existence la veille, faute de moyens de transports.

 

En revanche, ce matin, mercredi, nous avons pu visiter la Cité des Arts, projet pour lequel nous avions décidé de passer par Koudougou avant Ouagadougou. La Cité des Arts est rassemble des artistes, regroupés par ateliers dans divers domaines : batik, peinture, bijoux, bronze, orchestre et danse traditionnelle... Chaque artiste est rémunéré en fonction des ventes de son atelier, moyennant une contribution commune pour la structure. Compte-rendu plus détaillé (probablement) à venir ;).

 

Finalement, nous avons quitté Koudougou pour Ouagadougou, après avoir sympathisé avec un des artistes de la Cité -Ousséni, sculpteur de bronze), dont la gentillesse n'a d'égal que le talent.

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