jeu.

17

juin

2010

Page tournée

Nous avons quitté l'Afrique de l'Ouest. Ça y est. Après 10 mois, nous avons changé de latitude (et presque de continent, il faut bien le dire !); une page se tourne...

 

Derrière nous, nous laissons comme une toile d'araignée : des amis, des contacts, reliés entre eux par un fil plus ou moins solide, et dont nous serions le point de connexion. Nous avons partagé le quotidien, ou simplement rencontré et échangé, avec des dizaines de personnes, familles, couples, célibataires, Noirs, Blancs, métisses, riches, pauvres, engagés ou non, ruraux ou urbains... Chacune de ces rencontres a été un enrichissement, à tout le moins un apprentissage ; chacune nous a donné à mieux comprendre les réalités des 5 pays que nous avons traversés – quand bien même nous n'avons fait qu'effleurer un certain nombre d'entre elles. Tous ont pris le temps de nous recevoir, de discuter avec nous, de partager simplement un moment, une plaisanterie, une confidence. Nombreux furent les rires et les sourires, incroyable la gentillesse dont ils ont fait preuve à notre égard, chaleureux l'accueil dont nous avons bénéficié...

 

Nous laissons les nombreux projets et dynamiques, rencontrés dans des champs aussi divers que la défense des droits humains, l'architecture, l'agriculture, l'éco-tourisme, la lutte anti-corruption, le développement durable / la protection de l'environnement, le développement communautaire... Avec les moyens du bord, le plus souvent faibles et inadaptés, des hommes et des femmes engagés essaient de – et parfois parviennent à – faire avancer leurs communautés, leurs pays. Nombreuses sont les difficultés, au rang desquelles la corruption généralisée, le manque de compétences, mais aussi de moyens matériels et financiers, les problèmes de communication, le climat, … Cela rend les réussites (même si elles sont rares) et les progrès (même s'ils sont lents) d'autant plus admirables. On leur souhaite bonne chance à tous, s'ils nous lisent.

 

Nous laissons les 5 territoires traversés, tous différents les uns des autres. Vous qui nous avez lu, vous en êtes sans doute rendu compte : on ne peut pas parler d'une seule Afrique, comme le font souvent les Européens. « Alors, comment c'est l'Afrique ? ». Impossible de répondre à cette question réductrice. Chaque pays d'Afrique est différent de son voisin, chaque région d'un pays africain est différente de sa voisine. Viendrait-il à l'idée d'un Européen de comparer Suède et Italie, de mettre dans le même sac Alsace et Languedoc ? Nous avons vu 5 capitales, de la bourdonnante Cotonou à la moderne et gigantesque Accra, en passant par le village poussé trop vite de Bamako. Nous nous sommes retrouvés dans des forêts luxuriantes, dans la brousse sèche et aride, nous avons grimpé des plateaux granitiques presque déserts, suivi des côtes aux vagues vengeresses ou plus douces. Nous avons connu une chaleur sèche et terrible dans les pays sahéliens, humide et lourde plus au Sud, dans les régions tropicales ; et le dégoulinement permanent, fatiguant, qui va avec. Et pourtant, nous gardons l'impression de ne rien connaître de ce morceaude continent, tant il est vaste, divers et complexe.

 

Nous laissons les couleurs vives, irradiées d'un soleil omniprésent ; le bruit incessant même la nuit (circulation, voix et rires ; radios, télés allumées chez les gens mais dont le bruit porte jusqu'à la rue, absence de fenêtre oblige ; cris d'animaux domestiques en tous genres ; muezzin, chants catholiques et prêcheurs de rue...) ; les senteurs multiples, agréables ou désagréables ; les vendeurs de rue et échoppes ouvertes tard dans la nuit ; bref, nous quittons ce monde où tous vivent à l'extérieur du fait de la chaleur et du manque d'espace.

 

Nous laissons les regards interrogateurs (qu'est ce que tu viens faire ici ?), les « Toubab / Yovo / Obwoni... », la curiosité spontanée, sympathique ou intéressée, manifestée par les Africains de l'Ouest pour ce couple de Blancs... En Afrique australe, nous ne serons plus les seuls au milieu de la foule, nous nous fondrons davantage dans la masse. Nous retrouverons un certain anonymat reposant.

 

Nous laissons aussi les caniveaux à ciel ouvert (quand ils existent), les amoncellements de déchets et décharges sauvages implantées au milieu des habitations, l'eau non potable, le paludisme (présent tout de même au Nord de l'Afrique australe), les délestages et coupures d'eau ; en bref, nous gagnons une partie du continent plus développée (ce qui ne veut pas nécessairement dire mieux développée).

 

A la fois pincement au cœur et envie de découvrir, encore et toujours. Pensées tournées vers celles et ceux grâce à qui on a aimé le Mali, le Burkina, le Bénin, le Togo, le Ghana... et vers la suite, les rencontres à venir, les contacts à activer. Nostalgie et envie. Ainsi va la vie...

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lun.

14

juin

2010

D'autres photos du Togo

[Edit : nous avons mis en ligne ici le compte-rendu de notre visite à l'Association des femmes juristes du Burkina Faso...]

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lun.

14

juin

2010

Balade à Atakpamé, Togo

Pendant notre séjour à Atakpamé, Claude nous a emmenés en découvrir le cœur.

 

Départ depuis la maison de maman Agnès, un peu excentrée ; on marche 5 à 10 minutes le long d'une route de terre pour rejoindre le goudron. Quartier résidentiel, aéré, route bordée de maisons familiales. Les enfants du quartier sortent des cours à notre approche, chantant les paroles auxquelles nous avons appris à nous habituer : « Yovo yovo bonsoir, ça va bien, mer-ci! ».

 

Au bord du goudron, négociation avec les zems qui nous emmèneront dans le centre ; Claude a du mal à obtenir le bon tarif – les conducteurs veulent plus d'argent puisque ce sont les Blancs qui paient. C'est le jeu, même si c'est frustrant... Court trajet vers le marché ; discussion avec le zem : « alors vous avez vu, la route principale d'Atakpamé est gâtée, alors c'est bien que vous soyiez là, vous pouvez vous rendre compte de notre misère, ici c'est la galère pour tout le monde... il faut nous aider ! Et puis de toutes façons je ne vais pas rester là, chez vous c'est mieux, moi je veux aller là-bas... ». Que répondre à tout cela ? On essaie de démythifier l'Europe (qui fait l'objet, tout comme l'Afrique en Europe, de nombreux préjugés), d'expliquer que ce n'est pas si simple que cela d'y vivre, surtout en tant qu'immigrant. De dire aussi que la solution pour le développement du pays n'est sans doute pas de le quitter... Mais quelle légitimité avons-nous, nous qui venons de là-bas et y retournerons ?

 

Le marché s'étend autour d'une des rues principales, un peu pentue, de la ville. C'est, comme d'habitude sur les marchés africains, un mélange d'un peu tout et n'importe quoi : fruits, légumes et épices regroupés par petits tas de différentes tailles (et différents prix) sur une table en bois ; boutique une peu plus sophistiquées vendant tout, des piles (on a testé, celles à 200 FCFA les 4 ne marchent pas dans notre appareil photo capricieux– faut dire que pour ce prix là, on pouvait toujours espérer) aux cahiers, en passant par les sardines en boîte, les bonbonnes de gaz, le savon... Lorsqu'elles sont encore un peu plus importantes, il arrive qu'elles soient tenues par des Indiens. Le tout au milieu de la circulation, quelques voitures, pas mal de zems, des vélos – dont ceux des vendeurs de Fan Milk, ces glaces à l'eau ou au lait très populaires dans le pays.

 

On grimpe la colline d'abord par une rue pavée assez large, sous le ciel gris – c'est la saison des pluies, il est rare que le ciel reste bleu toute la journée. L'air est lourd et très vite, nous dégoulinons. Nous saluons au passage les commerçants et les gens qui, tout simplement, sont assis devant leurs maisons ; les regards et visages s'éclairent alors d'un large sourire, permettant parfois un début de conversation ; d'où venons-nous, comment trouvons-nous l'endroit, combien de temps restons-nous, sommes-nous frère et sœur ? Quand nous répondons à cette dernière question que non, nous sommes un couple, immanquablement on nous dit que nous sommes un « très joli couple » (un sud-africain passablement ivre rencontré au Ghana nous a quant a lui qualifié de « fucking lovely French people » !) et on nous souhaite beaucoup de bonheur, de mariage, d'enfants... La balade reprend ensuite ; on traverse une zone plus pentue que la route contourne, les maisons sont plus proches, plus pauvres aussi, le chemin en latérite monte dru. Quelques épis de maïs sont plantés à un endroit où il s'élargit – il faut profiter de tout terrain disponible... Les gens vaquant à leurs occupations : une femme lave le linge, deux vieux palabrent et s'interrompent pour saluer Claude, un groupe d'enfants observe, très intéressé, ce qui se passe à l'intérieur de l'enclos d'un cochon. Nous continuons à grimper pour arriver à l'antenne qui se dresse au sommet de la colline : Claude veut nous montrer le panorama sur la ville. Nous saluons l'employé de la sécurité...

 

Et là, c'est le drame : le monsieur commence à nous chercher des noises :  « vous ne pouvez pas venir sur le site car vous êtes des étrangers, vous devriez demander une autorisation, avoir vos passeports, et toi (Claude) tu devrais avoir ta carte d'identité sur toi car en tant qu'autochtone tu es responsable d'eux, tu aurais dû savoir avant de venir que ce n'était pas autorisé comme ça », etc etc, pendant 10 minutes. Quand on répond que tant pis, on voulait juste voir la vue mais que si ce n'est pas possible, nous allons partir, le type se radoucit et nous dit « Non, vous pouvez tout de même aller jeter un coup d'œil, c'est juste derrière ». Bon, voilà autre chose. Nous y allons donc, et c'est vrai que la vue est jolie, la ville s'étend à flancs de colline, toits de tôle pointus et rouillés au milieu de la végétation luxuriante. Après quelques minutes, nous repartons ; et comprenons d'un seul coup l'attitude du type de la sécurité qui, sur nos talons, nous souhaite bonne route et ajoute « Et pour la bière ? ». On lui répond que ce n'était pas prévu, la bière, et on part sans demander notre reste. Tout ce cinéma, c'était donc pour ça. Exemple typique d'une forme de petite corruption, quasi insignifiante (quand bien même nous aurions payé une bière), mais bien présente partout et symptomatique...

 

Retour vers le marché en passant par la route cette fois. En repassant au marché par de petits passages tortueux dans lesquels l'on peine à se croiser, on en profite pour acheter de quoi goûter : Fan Milk aux fruits tropicaux et bananes (délicieuses). On grimpe l'autre versant de la colline, toujours accompagnés par les salutations des personnes que l'on croise. Quelques belles maisons, le quartier et plus chic. On débouche sur un des lycées privés de la ville, catholique. Des jeunes jouent au foot ; l'un des pères du lycée nous salue, on échange quelques minutes, conversation sympathique. Il parle de la nécessité pour les hommes de s'inspirer du modèle social des fourmis, entraide, solidarité, partage : si elles réussissent à le faire, pourquoi pas nous ? Sur cette conclusion philosophique, nous prenons le chemin du retour...

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lun.

14

juin

2010

Résumé du séjour togolais

Comme le lapin d'Alice au pays des merveilles, nous sommes toujours en retard en ce moment... Déjà une semaine que nous sommes au Ghana et nous n'avons toujours pas évoqué nos aventures togolaises. Alors, en bref...

 

Nous avons commencé par quelques jours à Lomé, sur un rythme tranquille, toujours en compagnie de Benoît. Des projets, de la culture, un peu de loisirs aussi... Puis quelques jours à Kpalimé, zone montagneuse à la frontière avec le Togo, au milieu des plantations de teck, de cacaoyers et de caféiers. Pour finir avec quelques jours à Atakpamé, dans le centre du pays, la région des hauts-fourneaux, elle aussi montagneuse et verdoyante en cette saison.

 

Lomé

 

Le séjour à Lomé, en dehors des rendez-vous « projets », a été l'occasion de profiter des plaisirs offerts par une capitale. Avec notamment...

 

une soirée au théâtre : Les monologues du vagin : mise en scène originale, actrices excellentes, une très bonne soirée. En plus, voir la pièce au Togo revêt un intérêt particulier : la sexualité reste un tabou dans les pays d'Afrique sub-saharienne (d'une manière générale mais peut-être encore davantage en milieu musulman). En l'occurrence, le public était au rendez-vous, majoritairement togolais – et masculin ; la pièce a été très bien accueillie, à l'exception d'une certaine réserve / désapprobation marquée lors du bref passage consacré à l'homosexualité. Voilà un sujet qui fait polémique, ici comme partout...

 

... quelques heures à la piscine. Eh oui, comme déjà dit, l'océan s'avère ici fort dangereux à cause des rouleaux et des courants. Pas facile de se baigner en toute quiétude – sauf à aller à la piscine. Par rapport au niveau de vie local, c'est cher car seuls les hôtels de luxe proposent l'accès à leurs piscines. Mais qu'est-ce que ça fait du bien ! Détail rigolo : de la musique des années 60 à 80 était diffusée, ce qui donnait au bain un petit côté rétro (Jolie bouteille, Aline, Abba, « si je pouvais me réveiller à ses côtés ... », « personne ne sait que tu m'as quittée pour elle », …) ; on s'est rendu compte ensuite que pas mal d'endroits, même des maquis à la clientèle majoritairement togolaise, passaient ce genre de musique. On n'a trouvé ça nulle part ailleurs : en général, musique africaine au menu, et souvent du « coupé décalé » ivoirien...

 

une projection – débat autour du film « Cameroun, autopsie d'une indépendance » (cf. précédent post) organisée par le centre Mytro Nunya. Très intéressants échanges sur la responsabilité des uns et des autres (ex puissances coloniales, dirigeants africains, peuples africains) dans la situation des pays africains aujourd'hui, sur la nécessité des réconciliations nationales, sur le rôle de l'Histoire dans le développement d'une démocratie, sur la nécessité du partage de la vérité ou au contraire de l'oubli, …

 

la visite du musée national. Pas très grand, comme le sont souvent les musées africains, mais bien documenté. Objets de la vie quotidienne, des dabas (houes locales) aux objets « fétiches », en passant par les instruments de musique, les armes (notamment servant à la chasse), une présentation des hauts-fourneaux utilisés dans la région d'Atakpamé. Et explications sur les techniques de fabrication traditionnelle. Petite partie historique, où nous avons appris que le pays, initialement colonisé par les Allemands, a été divisé en deux protectorats après la seconde guerre mondiale, l'un revenant aux Anglais, l'autre aux Français. Les Anglais intégrèrent leur partie dans l'actuel Ghana tandis que les Français, tenté un moment de joindre la leur au Dahomey (actuel Bénin), décidèrent finalement de conserver un territoire distinct. Exemple supplémentaire, s'il en était, du total arbitraire avec lequel les frontières africaines ont été tracées.

 

Atakpamé

 

Petite ville au milieu des montagnes togolaises, Atakpamé est un lieu de passage obligé pour les camions lourdement chargés en provenance et à destination des pays enclavés du Nord (Niger, Mali, Burkina), qui profitent du port autonome de Lomé pour exporter leurs matières premières et importer tous les produits transformés dont ils ont besoin. D'où une atmosphère particulièrement animée, notamment le long des goudrons, avec une multitude de petites échoppes en tous sens, quatre bouts de bois et une tôle, parfois même pas. Poissons séchés, mangues, ananas, avocats, gari (poudre de manioc), pain (en fait une sorte de pain brioché salé ou sucré, à la croûte croquante)... Pour nous, quelques jours au calme, très bien accueillis par « maman Agnès » et son petit neveu Claude, agrémentés d'une découverte de la ville et d'une escapade dans la plantation de tecks et palmiers à huile familiale – malheureusement ravagée par un feu de brousse... déclenché volontairement par des chasseurs d'agouti (sorte de gros cochon d'Inde qui se mange) : il n'y avait personne pour surveiller le terrain, autant en profiter...

 

Kpalimé

 

Également nichée au cœur des montagnes (Mont Kloto, Pic d'Agou), la ville a de tous temps été appréciée par les Blancs, d'abord colons allemands, puis français, aujourd'hui expatriés, pour son climat – le meilleur du pays apparemment. Et aujourd'hui, la région concentre d'ailleurs le plus grand nombre d'ONG du pays... Nous n'avons fait qu'une brève expédition d'une journée en ville, accompagnés de Boukari. Le temps de voir son marché coloré, sa cathédrale d'inspiration germanique (un instant, on se serait crus transportés au fin fond de la Bavière), de tester un maquis, d'acheter quelques fruits et légumes... Car il s'agit aussi de la principale zone de production du pays : ananas, papayes, avocats, bananes, mangues mûrs à point ; manioc, igname, maïs, … Tout comme à Atakpamé, on en a bien profité. Il sera difficile de revenir aux avocats et bananes vendus en France !

Kpalimé est aussi le secteur d'implantation premier des plantations de café et cacao. Toutefois, il semble qu'au plan économique, le secteur ne soit pas en bonne santé.

Nous avons quant à nous passé de très bons moments en compagnie de Boukari, sur l'exploitation familiale à quelques kilomètres de la ville, à évoquer les questions agricoles mais également plus généralement la situation politique, économique, sociale du Togo.

 

Projets et problématiques

 

Le Togo est un pays riche. Riche en minerais, riche en terres fertiles dans la moitié sud du pays, avec un climat favorable à la culture, riche d'un accès à la mer, bref, riche de diverses matières premières qui pourraient en faire un pays prospère s'il était correctement géré et si ces matières premières n'étaient pas exploitées au bénéfice de pays et entreprises étrangères – comme cela est largement le cas. Nous nous sommes intéressés à certaines de ces questions au cours de notre séjour.

 

Nous avons parlé avec plusieurs personnes de la problématique des phosphates au Togo (pas de noms car le sujet est fort sensible). Le phosphate togolais est d'excellente qualité, parmi les meilleurs au monde ; c'est pourquoi il a été exploité depuis les années 60 par une société togolaise qui a changé plusieurs fois de nom, aujourd'hui l'Office togolais des phosphates. Le problème, c'est que la gestion de l'OTP est loin d'être exemplaire, à plusieurs niveaux. D'abord, les conditions d'exploitation sont un vrai scandale en termes d'impact sur la santé des personnels et des habitants des environs, ainsi que sur l'environnement. Fluoroses, nombreux accidents du travail, nappes phréatiques non protégées, perte importante de biodiversité, rejets massifs de substances chimiques dans l'atmosphère et de phosphates en mer... Pas très rose. Au niveau financier, ça n'est pas beaucoup mieux : il est connu que la société servait de porte-monnaie au Gal Eyadéma (l'ancien président) et à quelques proches, la quasi-totalité des revenus générés par l'exploitation aboutissant directement dans leurs poches. Enfin, pas de création de revenus par la société : exportation directe du matériau, sans transformation sur place – mais relativisons ce dernier élément puisque c'est presque une norme en afrique : la création de valeur se fait ailleurs, seules les matières premières sont exportées...

 

Nous avons aussi rencontré des organisations du monde agricole pour discuter avec eux des problématiques rencontrées par le secteur (1er secteur d'activité dans tous les pays traversés, loin devant l'industrie et les services) : production, stockage, exportation, tarifs, relations avec les pouvoirs publics, fonctionnement des groupements, etc. Là encore, nous avons beaucoup appris et mieux compris les enjeux du secteur, que nous avons également abordés lors de notre séjour dans la ferme familiale de Boukari, près de Kpalimé. Exploitation agricole d'une centaine d'hectares (ce qui est rare, la production étant en général explosée en petites exploitations souvent inférieures à 3 hectares), près d'une rivière, une terre sur laquelle tout pousse, du teck aux tomates, du palmier à huile au maïs... Et une vraie vision écologique (pas d'utilisation de fertilisants autres que naturels ou de pesticides, pas de monoculture, respiration des sols, compostage, ...) ainsi que sociale et pédagogique (formation des ouvriers agricoles, accueil de stagiaires)... Nous avons passé là quelques jours très agréables, profitant de la fraîcheur relative des montagnes avoisinantes, très bien accueillis et dynamisés par des discussions intéressantes.

 

Nous avons également, dans la lignée de notre visite à Eco-Bénin au Bénin, essayé de voir dans quelle mesure la dynamique du tourisme équitable / de l'éco tourisme était présente dans le pays, en rencontrant à Kpalimé l'équipe de l'Association pour le développement du Togo Profond (ADETOP). Il semble que globalement, le secteur du tourisme ait souffert de l'image dégradée du pays au niveau international – et du retrait des bailleurs de fonds entre les années 1990 et 2005. Mais un compte-rendu plus détaillé suivra (on essaie aussi de rattraper notre retard de ce point de vue !).

 

Enfin, s'agissant des droits de l'homme, nous avons rencontré, avec Benoît, André Afanou du Cacit (Collectif des Associations Contre l'Impunité au Togo), qui a évoqué l'action de son association en faveur des victimes du régime répressif du Général Eyadéma.

 

Voilà, un long article résumant ces quelques 15 jours passés dans « la Suisse de l'Afrique », avant de passer le 1er juin la frontière avec le Ghana...

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jeu.

03

juin

2010

Le saviez-vous ?

Le saviez-vous ? Vendredi, le Gouvernement du Togo a été mis en place. Plus de 2 mois après les élections présidentielles qui ont reconduit Faure Gnassimbé, le fils du Général Eyadéma Gnassimbé, à la tête du pays... Rappelons que ces élections se sont déroulées de manière vivement contestée par l'opposition, menée par Jean-Pierre Fabre (Union des forces de changement). Depuis les élections, l'opposition, reconnaissable à ses casquettes et T-shirts jaunes, manifestait pacifiquement tous les samedis dans les rues de Lomé. Tension latente mais qui n'a pas été suivie de débordements comme en 2005 - plus de 150 morts selon les chiffres officiels et probablement plus en réalité, doublé d'un très fort sentiment anti-français. Eh oui, le soutien clairement exprimé de nos dirigeants d'alors à Faure, fils d'Eyadéma dont le peuple a souffert des exactions et du pillage des ressources du pays pendant 38 ans, ainsi que les promptes félicitations du Président Chirac au même Faure, alors même qu'il a été élu au terme d'élections manifestement frauduleuses (fraudes dont l'on murmure qu'elles auraient été facilitées par la France), n'ont pas redoré le blason français dans un pays (et un continent) où tous savent qu'une certaine collusion existe entre leurs dirigeants et les nôtres. Collusion qui, comme on nous l'a fait remarquer, peut éventuellement servir les intérêts de la population française (quand elle dépasse le simple cadre du copinage entre politiques et industriels français), tandis qu'elle s'effectue pleinement au détriment des populations africaines. A titre d'illustration du sentiment anti-français, on nous a raconté l'histoire d'un Blanc, pris entre 2 groupes d'émeutiers en 2005, et qui a probablement eu la vie sauve seulement grâce à sa nationalité suisse - heureusement connue d'un des émeutiers qui a bien voulu le sortir de ce mauvais pas.

Quoi qu'il en soit, coup de théâtre, l'UFC a annoncé mercredi qu'à l'issue de longue tractations, elle ferait son entrée au gouvernement avec 7 ministres. Après l'ouverture à la française, l'ouverture à la togolaise... Véritable changement, porteur d'espoir pour la population, ou ralliement de l'opposition, avide de profiter du système, comme les autres ? Seul l'avenir le dira...

 

Le saviez-vous ? Le Cameroun, indépendant depuis 1960, a connu une décennie de guerre civile entre 1954 et les années 60. Objectif : mater les rebelles camerounais emmenés par Ruben Um Nyogbe, leader populaire qui refusait toute compromission avec l'ancienne puissance coloniale. Il est bon de préciser que ces « rebelles » ont été les militants indépendantistes de la première heure, poussés à la clandestinité par l'interdiction de leur parti politique... En effet, la France avait décidé qu'Um Nyogbe ne serait pas dauphin du régime colonial et elle l'empêcha de se présenter aux élections qui aboutirent à la désignation du premier chef d'Etat camerounais. Notre pays appuya le pouvoir camerounais dans sa lutte contre Um Nyogbe – et ses successeurs, car le leader fut tué après quelques années de ratissage des forêts dans lesquelles lui et ses troupes se cachaient. Au cours de cette guerre (que les manuels d'histoire n'évoquent pas, selon nos souvenirs), du napalm fut employé. Commentaire de Pierre Messmer, alors Haut Commissaire de la République au Cameroun puis Ministre des Armées : « Oui. Mais cela n'a pas d'importance »... Édifiant. Si vous vous intéressez au sujet, nous vous conseillons de visionner l'excellent documentaire que nous avons eu l'occasion de voir au centre Mytro Nunya« Cameroun, autopsie d'une indépendance », de Gaëlle Le Roy et Valérie Osouf : il peut être visionné ci-dessous (cliquer sur "play" puis le rectangle pour mettre en plein écran).

 

 

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dim.

23

mai

2010

Lomé et plus largement

[edit : mise en ligne d'un article sur la technique du bronze à la cire perdue]

 

Nous voilà à Lomé, capitale du Togo. Arrivés mardi, après un trajet en taxi partagé avec Benoît et une Béninoise fort désagréable, qui nous a quittés en cours de route parce que les formalités à la frontière prenaient trop de temps à son goût... Route assez agréable, en bordure de côte : palmiers et mers à l'horizon, quelques lacs et villages lacustres avec leurs maisonnettes comme posées au milieu de l'eau. Traversée de Ouidah, ville historique, d'où partaient les esclaves du Bénin. Nous devions y passer la journée de lundi à la faveur d'un de nos rendez-vous, mais excursion et rendez-vous furent annulés en raison de l'orage dru qui s'abattit toute la matinée sur Cotonou et ses environs. Par conséquent, pour nous pas de maisons afro-brésiliennes des descendants d'esclaves revenus à la recherche de leurs racines, pas de marche le long de la route des esclaves, avec ses arbres du l'oubli et du retour : juste une traversée dénuée de sens – point de repère historiques le long du goudron... Aléas du voyage...

 

En arrivant à Lomé, surprise : une vaste zone franche s'étend à l'est de la ville. Jamais vu une telle concentration d'industries en Afrique de l'Ouest. Il paraît que le Ghana en compte encore davantage – ne parlons pas du Nigéria. La cimenterie en particulier est impressionnante. Après en avoir discuté avec plusieurs personnes et lu un peu sur le sujet, il semble que cette zone franche, destinée à attirer les investissements étrangers, bénéficie d'un statut assez particulier : exemption des taxes et impôts à l'importation et à l'exportation pour les produits qui y sont fabriquées et les matières premières nécessaires à leur fabrication, interdiction de constituer des syndicats, rémunération horaire du travail parmi les plus basses au monde...

 

La ville quant à elle, pour ce que nous en avons vu, est relativement agréable. Nonchalante, par rapport à sa voisine béninoise si frénétique. Circulation bien moins dense, urbanisation plus aérée, retour de la verdure, moins de pollution, quelques degrés en moins aussi. On apprécie. Quelques grands immeubles en centre ville, notamment l'hôtel du 2 février (date du retour à Lomé de l'ancien chef d'Etat, le général Eyadéma, après un accident d'avion). Il faut dire qu'ici, pas mal de noms de rues ou d'immeubles sont liés à l'histoire personnelle du Général Président. Quand ils ne sont pas des vestiges de la colonisation (avenue du Général de Gaulle, avenue Pompidou, avenue Mitterrand – on n'a pas trouvé l'avenue Chirac mais elle doit bien exister ! ça fait un peu bizarre, tout de même...).

 

Pour le reste, il y a quand même pas mal de ressemblances avec la grande sœur de l'Ouest : ces petites lampes à pétrole qu'on ne voyait pas chez les voisins sahéliens, qui s'allument comme autant de lucioles à la tombée de la nuit pour éclairer les échoppes de bord de route ; l'apparition des « pavés », en plus des traditionnels « goudrons » ; les « yovos, yovos ! » qui fusent à chaque coin de rue (et plus « toubabou » comme au Mali et au Burkina) ; la plage, sans ombre bien que bordée par quelques palmiers, déserte en semaine et où il est dangereux de se baigner à cause des courants très forts ; les traditionnels panneaux d'ONG à tous les coins de rue, qui s'occupant des droits des enfants, qui de la lutte contre le sida, la rougeole ou la polio, qui de l'accès à l'énergie, de la microfinance, etc etc. Il y en a tellement, et pourtant les pays sont dans des situations encore tellement difficiles... D'où vient le problème ?...

 

Il y a aussi les messages de sensibilisation diffusés à grande échelle sur des panneaux publicitaires, qui traduisent bien les problématiques auxquelles les pays sont confrontés : « Je n'attrape pas le SIDA en mangeant avec une personne séropositive », « Et si cette homme couchait avec votre jeune fille ? Alors, pourquoi couchez-vous avec sa jeune fille ? Il est temps de faire cesser ces pratiques dangereuses », « Parlons de sexualité avec nos enfants pour une vie responsable et épanouie » (message qu'on ne pourrait sans doute pas diffuser à l'heure actuelle dans un pays comme le Mali par exemple) …

 

Et à côté de ces panneaux, les pubs : pour les grandes compagnies de téléphone (dont le capital est détenu pour partie voie majoritairement dans certains cas... par le groupe France Télécom) et leurs cartes prépayées – qui coûtent, au Togo comme au Burkina, une fortune par rapport aux revenus des gens ; pour des produits de soin et notamment des produits éclaircissants pour la peau ; pour la coupe du monde de football ; pour des places d'avion vers l'Europe... Comme chez nous, le « rêve » et le besoin de consommation sont savamment entretenus. La télévision participe évidemment au mouvement général, diffusant les journaux de France 2 sur les chaînes nationales (vous imaginez ça en France ?...), ou des séries – TV novellas brésiliennes ou mexicaines, séries indiennes type Bollywood) – abrutissantes et donnant à voir une irréalité faite d'argent, de trahisons, d'amour, d'armes, d'océan... C'est Dallas puissance 100... Sinon, on peut regarder les DVD chinois vendus 1000 ou 1500 francs dans la rue : en tête de palmarès, films et séries américaines ou asiatiques, souvent d'action, que les TV diffusent en continu – car quand on a une télé, il est inconcevable de l'éteindre...

 

Et voilà comment un article censé vous raconter ce que nous avons fait de nos dernières journées se transforme au fil de l'écriture en un condensé quelque peu subjectif de nos impressions au fil des jours et des découvertes... La suite au prochain billet !

 

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